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ARIUS.

se. Il a trouvé un moyen de s’en défaire, sans entrer dans cette discussion, ni appeler des experts pour savoir si le fondement était ruiné, ou ruiné en entier, ou ruiné en partie. Il n’entend comprendre, dit-il, dans cette église, une et étendue, que les sociétés qui font corps. Les ariens n’ont point fait de corps, au moins de grand corps (et cela, contre la foi de toute l’histoire, qui nous marque partout leur communion, leur assemblée, leurs basiliques ou églises, entièrement séparées de celles des orthodoxes). Les phanatiques, les sociniens, les photiniens d’aujourd’hui n’ont point encore d’assemblées réglées, ni de police, ni d’union ensemble. Il ne les faut compter pour rien. Mais par ses principes, si Dieu, pour punir nos fautes et nos misérables divisions, permet que ces ennemis communs se multiplient, qu’ils se règlent et se forment en un corps, les voilà au rang des autres. Il n’y aura pas de difficulté qu’on ne se sauve parmi eux [1]. » L’auteur, répliquant à M. Nicolle, avoua que les ariens ont fait un grand corps ; mais il soutint qu’ils ont fort peu duré au monde, et que Dieu a fait périr leur communion à cause de cela qu’elle ne conservait pas les vérités fondamentales [2]. Un troisième censeur s’est élevé, qui a soutenu, comme deux autres, que l’arianisme a eu non-seulement beaucoup d’étendue, mais aussi une durée considérable, et que c’était une hérésie qui passait au peuple. Voyez le livre intitulé Janus Cœlorum reserata [3]. On y montre [4] que l’arianisme subsista avec éclat plus de trois cents ans ; qu’il fut pendant près de deux siècles la religion dominante en Espagne ; qu’il fut sur le trône et dans l’Orient et dans l’Occident ; et qu’il régna dans l’Italie, dans la France, dans la Pannonie et dans l’Afrique. Jamais auteur ne fut ballotté, ni roulé de conséquence fâcheuse en conséquence plus fâcheuse comme l’a été l’auteur du Système par le feint Carus Larebonius [5]. On lui a montré que si Dieu n’a jamais permis que de grandes sociétés chrétiennes se trouvent engagées dans des erreurs mortelles, et qu’elles y persévèrent long-temps, et que si Dieu a fait périr l’arianisme à cause qu’il ne conservait pas les vérités fondamentales, il s’ensuit de toute nécessité, 1°. que les erreurs de l’église romaine ne sont point mortelles ; 2°. que le mahométisme a conservé les vérités fondamentales. L’auteur du Système prétend que le mahométisme est une secte sortie du christianisme, et il ne saurait lui disputer ni l’étendue, ni la durée. Voilà des objections à quoi il est impossible que la chicane la plus outrée réponde. Les synodes n’en sauraient prétendre cause d’ignorance, et néanmoins ils n’ont jamais censuré cette doctrine du Système, quoiqu’elle justifie pleinement l’église romaine, et convainque par conséquent de schisme les réformés,

(G) …. Il a débité que l’on ne s’était point servi de lois pénales contre cette secte. ] Rapportons un beau passage du Préservatif contre le changement de religion, Le ministre dont je parle publia ce livre pendant qu’il était en France [6], et l’opposa à l’Exposition Catholique de l’évêque de Condom. Voici ce qu’il dit à la page 11 [7] : L’Église a souffert des persécutions, mais elle n’en a jamais fait. Elle a eu le dessus sur le paganisme, comme le paganisme l’avait eu sur elle ; mais elle ne lui a jamais rendu la pareille. Elle ne s’est pas servie de l’autorité des Constantin et des Théodose pour ensanglanter les temples des faux dieux du sang de leurs adorateurs, comme les païens avaient employé les épées des Néron, des Maximin, des Décie et des Dioclétien, pour baigner la terre du sang des chrétiens. Il faut être peu savant dans l’histoire de l’Église, pour ignorer que dans les démêlés qu’elle a eus avec les ariens, les eutychiens et les autres hérétiques, elle ne s’est servie que d’exhor-

  1. Réflex. sur les différens de la Religion, IIe. part., pag. 429, 430.
  2. Jurieu, de l’Unité de l’Église, pag. 564.
  3. Il fut imprimé à Amsterdam, en 1692.
  4. Pag. 87.
  5. C’est le nom qu’a pris l’auteur du Janua Cœlorum reserata.
  6. Je crois que la première édition est de Rouen, en 1680 : il s’en est fait d’autres en Hollande.
  7. Édition de la Haye, en 1682.