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ARMINIUS.

loque de Poissy fut commencé au mois de septembre 1561. Commencez l’année, ou à Pâques, ou le 1er. de janvier, vous ne disculperez jamais Bertius.

(B) Il fit des leçons publiques à Bâle. ] Le professeur Jacques Grynæus y assista quelquefois, et lui donna bien des louanges. Il ne faisait point difficulté, en soutenant une thèse, de lui donner la commission de répondre aux argumens qui paraissaient forts : Que mon Hollandais réponde pour moi, disait-il. Solent Basileæ feriis vindemialibus doctiores studiosi publicè interdùm in academiâ exercitii gratiâ aliquid extra ordinem docere. Eum laborem Arminius noster haud invitus suscepit, laudatus ob id à reverendo viro D. Jacobo Grynæo, qui etiam lectiones ipsius præsentiâ sud aliquoties cohonestavit : idem quoque in disputationibus publicis, si quid gravius proponeretur, aut dignus vindice nodus occurreret, non est veritus, honoris caussâ, Arminium nostrum mediâ in studiosorum turbâ sedentem citare, et (ut Grynæi candorem agnoscas ) dicere, « respondeat pro me Hollandus meus [1]. » Notez qu’il lui connut un penchant à raffiner, et qu’il lui donna de bons avis là-dessus. Ce n’est point Bertius qui me l’apprend, c’est Philippe Pareus. Il rapporte que Théodore de Bèze avertit un de ses amis de refréner la subtilité de son génie, comme d’une chose dont Satan s’était servi en plusieurs rencontres pour tromper de grands personnages. « Ne vous engagez point, continuait Bèze, dans de vaines subtilités ; et, s’il vous vient certaines pensées nouvelles, ne les approuvez point, sans les avoir approfondies, quelque plaisir qu’elles vous fassent d’abord. Calvin me donna ce conseil : je l’ai suivi, et m’en suis très-bien trouvé. » Sicut magnoperè te hortor, ut Dei dona in te collata omni studio excolas : à cum te ἀγχινοία non vulgari donatum esse videam, quâ sæpè ad maximos decipiendos viros non irrito conatu Satanas est abusus, velim te diligenter cavere, ut nullis inanibus argutiis te ipsum irretias : et quoties nova quædam tibi in mentem venient, diligenter illa, quantùm libet in initio tibi illa arriserunt, excutere, priusquàm approbes ; in omnibus deniquè istis prompto et alacri ingenio tibi concesso modereris. Ego quidem certè per Dei gratiam non prorsùs hebes de hoc ipso à magno illo viro beatæ memoriæ Johanne Calvino admonitus ità facere statìm ab initio studui, cùm ad sacra studia me totum converterem. Neque me hujus consilit unquàm pœnituit, nec, ut spero, pœnitebit [2]. Philippe Pareüs avait l’original de cette lettre de Théodore de Bèze, et il ajoute que Jacques Grynæus donna un semblable avis à Arminius. In quam sententiam clarissimum et sagacissimum Jacobum Arminium, novi pelagianismi instauratorem in Belgio, cùm juvenis operam daret S. Theologiæ in Academià Basiliensi, graviter quoque admonitum fuisse à venerando sene D. Jacobo Gryneo, cujus memoria sit in benedictione ! Ipsemet mihi, quando ad pedes ejus in Rauricâ discentium synagogâ sederem, narravit [3]. Si quelqu’un m’accuse de ne rapporter ces deux passages tout du long, que comme des aides à faire un gros livre, il fera connaître son peu de discernement ; car ils sont très-propres à fournir des réflexions profitables à plusieurs personnes, et nécessaires à quelques lecteurs. Souvenez-vous ici de la maxime de saint Paul, la science enfle [4] ; mais prenez garde qu’il y a un autre talent qui enfle encore davantage. Un homme d’une mémoire et d’une lecture presque infinie s’applaudit de son savoir, et devient superbe ; mais il s’applaudit et il s’enorgueillit encore plus, lorsqu’il croit avoir inventé une nouvelle méthode d’expliquer ou de traiter une matière. On ne se regarde pas aussi pleinement comme le père de la science que l’on a puisée dans les livres, que comme le père d’un éclaircissement ou d’une doctrine dont on se croit l’inventeur. C’est pour ses inventions que l’on sent toute la force de l’amitié et de la tendresse ; c’est là qu’on trouve les charmes les plus

  1. Bertius, in Oratione funebri Jacobi Arminii.
  2. Beza, apud Philippum Pareum, in Vitâ Davidis Parei, pag. 57. Voyez aussi une lettre du même Bèze, parmi celles des Arminiens, pag. 26, édit. de l’an 1684.
  3. Philippus Pareus, ibidem.
  4. Ire. Épître aux Corinthiens, chap. VIII, vs. 1.