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ARNAULD.

voyez l’article suivant. Le second est mort évêque d’Angers, au mois de juin 1692. Il s’appelait Henri Arnauld [* 1], et s’était fait fort estimer sous le nom de l’abbé de Saint-Nicolas, avant que de parvenir à la mitre. Étant à Rome, il sauva par son adresse et par son courage l’honneur et les biens des Barberins, contre les entreprises des créatures et des parens d’Innocent X. Le prince de Palestrine, et les cardinaux François, Antoine, et Charles Barberin, firent, par reconnaissance, non-seulement frapper sa médaille et tirer son portrait, dont ils remplirent toutes leurs maisons ; mais ils lui érigèrent aussi une statue dans leur palais de Rome, avec un vers que Fortunat [* 2] avait composé pour saint Grégoire de Tours [1]. Il est mort en odeur de sainteté à Angers, dans son diocèse, d’où il n’était jamais sorti depuis près de quarante-quatre ans qu’il était évêque [* 3]. Catherine Arnauld, l’aînée des filles d’Antoine, fut mariée à M. le Maître, conseiller du roi et maître des comptes à Paris, dont elle eut Antoine le Maître, fameux avocat, et Isaac le Maître de Sacy, connu par sa traduction de la Bible, par celle de l’Imitation de Jésus-Christ, par la Vie de dom Barthélemi des Martyrs, et par ses Poésies sacrées. Angélique Arnauld, autre fille d’Antoine, abbesse perpétuelle de Port-Royal-des-Champs, réforma cette abbaye sur le pied de la réforme de Clairvaux, et la rendit élective et triennale. Cinq de ses sœurs, avec leur mère, se firent religieuses dans ce couvent, et y ont mené jusqu’à la mort une vie très-austère [2].

Notez que dans l’Abrégé de la vie de M. Arnauld, page 20, on assure, 1o. qu’il était le vingtième et le dernier des enfans d’Antoine Arnauld, et de Catherine Marion. Cela ne s’accorde pas avec le mémoire que j’ai cité [3], qui leur en donne vingt et deux ; 2o. que lorsque le père de tant d’enfans décéda, il n’en restait plus que dix, quatre garçons et six filles.

(F) Une de ses filles réforma l’abbaye de Port-Royal. ] Le nom de Port-Royal fait tant de bruit, et les Arnauld sont si mêlés là-dedans, et tout cela est si peu connu en détail, qu’on peut être très-assuré que les curieux liront avec joie ce qu’on pourra leur apprendre de particulier sur ce sujet. J’ai donc cru que je ferais plaisir à mon lecteur, si je transportais dans mon livre ce que j’ai lu dans un Factum [4]. Ces sortes d’écrits sont ordinairement inconnus à une infinité de gens [5].

« Port-Royal est originairement un monastère de religieuses bernardines, à six lieues de Paris. Une des sœurs de M. d’Andilli en fut faite abbesse au commencement de ce siècle, n’ayant que onze ans. C’était en ce temps-là un désordre assez commun, dont Dieu à tiré un grand bien. Car, dès l’âge de dix-sept ans, Dieu lui donna une si forte pensée de réformer son abbaye, quoiqu’il n’y en eût aucune, ni d’hommes, ni de filles, qui fût réformée dans tout l’ordre de Cîteaux, qu’elle l’entreprit, et en vint à bout avec assez de facilité, tant Dieu donna de bénédictions à ses bons desseins. Elle en bannit toute propriété, toutes ses religieuses à

  1. * Ce Henri avait d’abord été avocat, dit Leclerc On trouve dans le tom. II des Mémoires de littérature du père Desmolets, un Mémoire sur la vie et sur la mort de feu messire Henri Arnauld, évêque d’Angers.
  2. * Leclerc nie l’existence de la médaille : il se fonde sur ce que, dix-sept ans plus tard, l’abbé Faydit ayant, à la tête d’un poëme latin de sa composition, fait graver les armes de M. de Pompone, y mit pour inscription :

    Alpibus arvernis en mens mons altior ipsis,

    Ménage et les gens de lettres qui assistèrent à ses mercuriales regardèrent l’application de ce vers comme une pensée toute neuve. Du reste Linage de Vauciennes, qui publia en 1678 le Différend des Barberins avec le pape Innocent X, dit que « les Barberins ne furent pas satisfaits d’Arnauld. »

  3. * Il n’avait pas quarante-quatre ans d’épiscopat, dit Leclerc, puisque nommé en Janvier 1649, sacré en 1650, il est mort en 1692. Il était sorti une seule fois de son diocèse, pour aller à Thouars travailler à ramener à l’Église le prince de Tarente.
  1. Le voici :

    Alpibus Arvernis veniens mons altior ipsis.

    Les Barberins faisaient allusion aux armes et à da patrie des Arnauld. Cette famille est d’Auvergne, et porte pour armes une montagne. Mémoire du Mercure Galant, décembre 1693.

  2. Tiré du même Mémoire.
  3. C’est celui qui a été inséré dans le Mercure Galant, au mois de décembre 1693.
  4. C’est le IVe. pour les petits-neveux de Jansénius, contre le père Hazart.
  5. Depuis la première impression de cet article, les factums pour les petits-neveux de Jansénius ont été insérés dans le VIIIe. vol. de la Morale pratique des Jésuites.