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ARNAULD.

son exemple ayant mis en commun ce qu’elles avaient en particulier. Elle y établit une exacte clôture, l’abstinence perpétuelle, l’office de la nuit, les jeûnes, le travail, le silence, selon la règle de saint Benoît. Et ç’a été cette odeur de sainteté, comme le parfum de l’époux, qui a attiré dans cette maison ses sœurs, et ses nièces, et sa mère même, chacune en leur temps. Le dessein d’une si parfaite réforme, si courageusement entrepris et si heureusement exécuté, la mit en une si grande estime dans l’ordre, qu’elle fut choisie n’ayant que vingt-sept ou vingt-huit ans, pour réformer la célèbre abbaye de Maubuisson. Elle y passa quatre ou cinq ans, ce qui l’obligea de laisser à sa sœur, qu’on a depuis appelée la Mère Agnès, la conduite de sa maison de Port-Royal, en qualité de coadjutrice. Ce fut en ce temps-là, et pendant qu’elle était à Maubuisson, qu’elle vit saint François de Sales, qui était venu à Paris, pour y établir une maison de la Visitation. Elle le fit prier de la venir voir, et se mit sous sa conduite, et on peut voir par les lettres de ce saint l’estime qu’il faisait de sa chère fille l’abbesse de Port-Royal. »

L’auteur du factum ajoute que la veuve d’Antoine Arnauld, mère de cette abbesse, eut une forte inspiration de se faire religieuse, sous la conduite de sa fille ; et que comme Dieu lui donna ce désir dans le même temps que l’on avait conseillé à l’abbesse de transférer son monastère des Champs à Paris, « elle acheta dans le faubourg Saint-Jacques une maison et un jardin fort beaux et fort grands, qu’elle donna à l’abbesse, couvent, et religieuses de Port-Royal, pour y faire leur établissement, comme elles le firent en effet, ayant mis la maison de Paris, avec une très-grande dépense, en l’état où elle est maintenant, par la bénédiction qu’il a plu à Dieu de donner à leur charité et à leur désintéressement. Ce fut là que cette heureuse mère de tant de pieux enfans prit sa fille pour sa mère, en se consacrant à Dieu par la profession religieuse, pour vivre sous sa discipline : ce qu’ayant fait pendant quatorze ou quinze ans, avec une ferveur et une humilité très-édifiante, elle eut la consolation, avant que de mourir, de donner sa bénédiction à ses six filles, et à ses six petites-filles, qui étaient toutes dans le monastère, et qui y ont toutes été religieuses, hors une qui est morte jeune y étant pensionnaire. » Enfin, on voit dans ce factum, que l’abbesse de Port-Royal était titulaire perpétuelle, et une de ses sœurs coadjutrice ; mais que l’une et l’autre, n’ayant en vue que le plus grand bien de leur maison, voulurent bien quitter leur titre, pour y établir l’élection triennale. M. d’Andilli obtint du roi la permission nécessaire, quoique cela lui enlevât les moyens de retenir toujours cette abbaye dans sa famille. Joignez à ceci ce que nous dirons dans son article.

(G) On a eu grand tort de lui imputer une apologie de Phalaris. ] Les paroles du père Abram, que je vais copier, se rapportent visiblement à notre Arnauld. De Phalaridis Agrigentorum tyranni immani crudelitate supervacaneum fuerit dicere, cùm et pleni sunt aliorum libri, et ipse se nefarium, immanem, et sceleratissimum in epistolis sæpè fateatur. Unus inventus est Arnaldus, qui non ità pridem, orationem dicam an nugas ? de ejus laude conscripserit : videlicet ex eodem calamo Phalaridis Apuleiique laudatio et societatis nostræ criminatio manavit, ut quibus se similem esse mallet, liquidiùs ostenderet [1]. La méprise est lourde ; car celui qui fit le discours pour Phalaris est un Arnaud provençal. Voyez la remarque (M) de l’article d’Épicure.

  1. Abramus, in Ciceron., Orat., tom. I, pag. 803.

ARNAULD D’ANDILLI (Robert), fils aîné du précédent, a été une personne de grand mérite. Voyez son éloge dans le Dictionnaire de Moréri, et dans les hommes illustres de M. Perrault. Il épousa mademoiselle de la Bodrerie, fille de celui qui a été si long-temps ambassadeur en Angleterre, et petite-fille