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ARNAULD.

sermons, et dans des ouvrages imprimés, comme rempli d’une très-pernicieuse doctrine. Les disputes sur la grâce, qui s’échauffèrent en ce temps-là dans l’université de Paris, ne servirent qu’à fomenter l’animosité réciproque des jésuites et de M. Arnauld. Ce docteur soutint le parti de Jansénius par des écrits d’une grande force, soit en réfutant les trois sermons de M. Habert et l’apologie que le prédicateur en fit, soit en réfutant M. le Moine, professeur de Sorbonne [a], et quelques autres. On ne trouva lieu de le censurer juridiquement, que lorsqu’il eut publié deux lettres sur une aventure du duc de Liancour, grand ami de Port-Royal (D). On trouva, dans la seconde de ces lettres, deux propositions que la faculté de théologie condamna l’an 1656. M. Arnauld fut en même temps déclaré exclus de la faculté. Il y eut bien des irrégularités dans les procédures (E). Il y avait déjà plusieurs années qu’il ne se montrait point ; car, depuis qu’à l’occasion des troubles de la fréquente communion il se vit cité à Rome, et que ce ne fut qu’à force de remontrances que l’on fit révoquer à la reine mère les ordres qu’elle lui avait donnés de partir incessamment, il demeura ou caché en divers lieux, ou comme solitaire à Port-Royal des Champs. Cette vie de retraite dura près de vingt-cinq années, jusqu’à la paix du jansénisme conclue l’an 1668. M. Arnauld fut compris dans cette paix : il alla faire la révérence au roi et au nonce, et parut autant qu’il voulut en public, jusqu’à ce qu’en 1679, il se retira volontairement hors du royaume, parce qu’il sut que ses ennemis le rendaient suspect au roi [b]. On ne doute point qu’il n’ait vécu depuis ce temps-là dans le Pays-Bas, mais il ne s’est jamais fait connaître qu’à un petit nombre d’amis affidés. On l’inquiéta à Liége, l’an 1690 (F). La réflexion qui a été faite sur cette entreprise est digne de l’attention de ceux qui gouvernent [c]. Il a continué ses exploits de plume contre les jésuites avec une grande force jusqu’à sa mort. Il continua aussi pendant quelque temps à écrire contre ceux de la religion ; mais un ministre, le plus exposé à ses attaques, employa en 1683 un stratagème qui fit cesser ses irruptions sur le parti protestant. Je parle de l’auteur de l’Esprit de M. Arnauld (G). Nous pourrions donner une longue liste des faussetés de fait qui regardent ce docteur, mais nous nous contenterons d’en rapporter quelques-unes. On l’a fait huguenot [d] ; on l’a mis de l’assemblée de Bourg-Fontaine (H) : on l’a fait aller au sabbat (I) ; on l’a envoyé commander les troupes vaudoises (K) ; on lui a donné la charge

  1. Cette réfutation a pour titre, Apologie pour les saints pères de l’église, défenseurs de la grâce de Jésus-Christ.
  2. Tiré, ou d’un livre imprimé l’an 1690, sous le titre de Question curieuse si M. Arnauld, docteur de Sorbonne, est hérétique, ou d’un livre qui est une seconde édition de celui-là bien augmenté, et publié l’an 1695, sous le titre d’Histoire abrégée de la vie et des ouvrages de M. Arnauld. Voyez aussi la préface du Causa Arnaldina.
  3. Voyez la remarque (A) de l’article de (Jacques Le Bossu).
  4. Voyez la remarque (D) de l’article d’Antoine Arnauld l’avocat.