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ARNAULD.

marqués, c’est qu’il fut toujours exact dans la pratique des exercices de piété que son sacerdoce exigeait de lui ; et ce qui est encore plus difficile, c’est que, même dans sa jeunesse il s’éloigna des plaisirs des sens ; et que la pureté de ses mœurs ne se démentit jamais [a]. On n’a point vu que ses adversaires lui aient donné des atteintes par cet endroit-là, quoiqu’à l’égard de l’orthodoxie, ils aient tâché de le diffamer à toute outrance. Si la lecture des mauvais livres produisait dans le cœur des jeunes gens les mêmes effets qu’en lui, il serait bon de la conseiller (V). Les protestations qu’il a faites de son attachement à la vraie foi, et de son zèle pour Dieu, paraissent en divers endroits de ses livres, et surtout dans le Testament spirituel (X) qu’il fit le 16 de septembre 1679, où il prend Dieu à témoin des dispositions avec lesquelles il s’est engagé à faire tels et tels livres. On a reconnu enfin à la cour de Rome ce qu’il valait (Y), et il n’a tenu qu’à lui d’être cardinal. Il n’est pas besoin de dire qu’il combattit de toute sa force les relâchemens de la morale, et qu’il fut toujours un docteur et un directeur d’austérité. On trouve qu’il s’écarta un peu de la voie étroite, dans l’affaire qui donna lieu à un factum de M. Des-Lyons (Z). Notez qu’on ignore le nom du lieu où il mourut : on croit que ce fut dans un village du pays de Liége. On sait encore moins le lieu où il a été enterré, et c’est l’une des conformités que ses amis ont marquées entre son destin et celui de Moïse [b]. Il souhaita qu’on portât son cœur à Port-Royal [c]. Cela fut exécuté ; mais les vers de M. Santeuil sur ce sujet excitèrent une guerre fort violente (AA), et qui a bien diverti plusieurs personnes. On cria beaucoup contre les jésuites, sur ce qu’ils obtinrent que M. Perrault fût obligé à supprimer le feuillet qu’il avait destiné à M. Arnauld dans son Recueil des portraits et des éloges des hommes illustres de la nation française (BB). Je n’oublierai pas l’estime que ce docteur de Sorbonne mérita auprès de M. Descartes (CC). J’ai ouï dire à des gens qui avaient été admis à sa familiarité, que c’était un homme fort simple dans ses manières, et qu’à moins qu’on lui proposât quelque question, ou qu’on lui demandât quelque instruction, il ne disait rien qui fût au-dessus des conversations communes (DD), et qui pût faire conjecturer qu’il était habile ; mais dès qu’il s’agissait de répondre à ceux qui le voulaient mettre sur quelque matière de science, on le voyait comme transformé en un autre homme, on l’entendait débiter cent belles choses avec beaucoup de clarté et beaucoup d’érudition, et l’on trouvait qu’il avait un don tout particulier de se rendre intelligible aux esprits les moins pénétrans. Je crois que j’insérerai dans quelque endroit

  1. Præfat. Causæ Arnald., pag. ix. Voyez aussi l’Histoire abrégée de sa vie, pag. 26.
  2. Voyez l’Histoire abrégée de sa vie. pag. 303.
  3. Perrault, Hommes Illustres, pag. 57.