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ARNAULD.

qui a été le principal tenant de ceux-là, n’a jamais peut-être employé avec plus d’application qu’alors, toutes les forces de son esprit. On a vu de part et d’autre, dans le cours de cette fameuse contestation, tout ce que le génie, l’éloquence, la lecture, la logique peuvent fournir de plus brillant et de plus fort : chaque parti prétend avoir remporté la victoire sans que les peines incroyables que le Port-Royal s’est données pour faire venir à grands frais un grand nombre d’attestations du Levant, aient presque de rien servi contre la persuasion où étaient les réformés touchant la foi des chrétiens de ce pays-là par rapport à l’eucharistie. L’ignorance qui règne parmi ces chrétiens, le décri de la nation grecque de temps immémorial sur le chapitre de la bonne foi, la vénalité de signature dont on les croit capables [1], etc., énervent à l’égard des protestans les attestations que le Port-Royal a produites. Mais cela n’empêche pas que cette dispute ne puisse être regardée, mettant à part les préjugés de parti, comme une des plus mémorables et des plus glorieuses occupations de M. Arnauld. C’est donc avec raison que j’ai commencé cette remarque par le premier exploit de ce grand combat.

Je voudrais que l’auteur qui nous a donné un bon abrégé de la vie de M. Claude [2], eût marqué avec la dernière précision l’époque de cette guerre, puisque M. Claude n’avait mis aucune date à la préface de son premier livre. Ce défaut de date peut tromper beaucoup de gens ; car, par exemple, j’ai la première réponse de M. Claude, imprimée à Paris, chez Étienne Lucas, en 1672. Le titre n’apprend point si c’est la première ou la seconde édition ; et dès la première ligne de la préface, je vois qu’il y avait environ quatre ans que cette dispute était née, et qu’il y avait un an que le manuscrit qu’on avait communiqué en ce temps-là à M. Claude était imprimé. Si je n’ai point d’autres lumières, je me sens presque invinciblement porté à faire ce faux jugement, que la Perpétuité de la Foi a été imprimée pour la première fois l’an 1671. Je ne dis pas cela sans avoir pris garde que l’on s’est souvent abusé de cette manière, pour n’avoir pas trouvé dans des préfaces la date qui leur convient. Mon édition de la Perpétuité de la Foi est la quatrième, et de l’an 1666 ; mais je ne laisse pas d’y apprendre la date de la première, parce que j’y trouve au bas de l’extrait du privilége que ce livre a été achevé d’imprimer pour la première fois le 15 de juillet 1664. La publication de la première réponse de M. Claude est de l’an 1666, ce me semble [3]. L’auteur de sa Vie, n’ayant pas cru qu’un détail précis des dates fût nécessaire dans un abrégé, a été cause que les savans hommes qui font le journal de Leipsick avec beaucoup d’avantage pour la république des lettres, et avec beaucoup de gloire pour leur ville, qu’on peut à bon droit appeler l’Athènes de l’Allemagne, se sont trompés sur le premier écrit de ce ministre. Ils prétendent que sa première réponse à la Perpétuité de la Foi fut imprimée avant qu’il allât servir l’église de Montauban [4] ; mais la vérité est que la première et la seconde ont été imprimées en même temps, après que la première eut couru quatre ou cinq années en manuscrit, et lorsqu’il n’était plus à Montauban. Revenons au fait.

M. de la Devèze n’assure pas que la Perpétuité de la Foi soit un ouvrage de M. Arnauld : il se contente de dire qu’on l’en croit l’auteur. Les journalistes de Leipsick se renferment dans les mêmes bornes [5] ; mais dans le supplément de Moréri, où l’on a donné un fort long article de M. Claude, tiré en partie de l’abrégé de sa vie, on assure tout net que M. Arnauld est l’auteur de la Perpétuité de la Foi. Cependant l’opinion la plus commune et la plus probable donne ce livre à M. Nicolle [* 1], les trois gros volumes de la

  1. * Croirait-on que Leclerc et Joly reprochent à Bayle d’attribuer à Arnauld la Perpétuité de la Foi, dont il ne composa, disent-ils, que l’épître dédicatoire ?
  1. Voyez ci-dessous la remarque (S).
  2. A. B. R. D. L. D. P. C’est-à-dire, Abel Rotolp de la Devèze, pasteur. Il était ci-devant ministre à Castres, et à présent il l’est à la Haye.
  3. C’est-à-dire, selon la date anticipée du libraire ; car je crois que le livre parut en 1665.
  4. Acta Eruditor. Lipsiens., an. 1687, pag. 659.
  5. Idem, ibidem ; mais, en 1683, pag. 442, ils l’affirment.