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ARNOBE.

preuves de ses bonnes intentions (A). Pour les satisfaire, il écrivit un ouvrage contre les gentils [* 1], où il réfuta très-fortement les absurdités de leur religion, et le ridicule de leurs faux dieux. Il y employa toutes les fleurs de sa rhétorique, et y débita beaucoup de littérature ; mais comme il avait une louable impatience d’être agrégé au corps des fidèles, il se hâta un peu trop en composant son ouvrage (B) : de là vient que l’ordre et la belle économie n’y paraissent pas avec toute la justesse qu’il serait à souhaiter. Le pis est que n’ayant pas une connaissance fort exacte de la vérité chrétienne, il débita des erreurs très-dangereuses (C). On ne sait point ce qu’il fit depuis, ni en quel temps il mourut. Son ouvrage contient sept livres, et non pas huit, comme on l’a cru pendant quelque temps (D). Il a été commenté par de savans hommes, et imprimé plusieurs fois (E).

  1. * L’article que contient le Dictionnaire de Chaufepié, donne quelques remarques sur les sept livres Adversùs gentiles.

(A) Avant que de l’admettre au nombre des cathécumènes, les évêques voulurent qu’il donnât des preuves de ses bonnes intentions. ] C’est saint Jérôme qui nous apprend ces particularités. Arnobius, dit-il [1], rhetor clarus in Africâ habetur : qui quùm in civitate Siccæ al declamandum juvenes crudiret, et adhuc ethnicus ad credulitatem somniis compelleretur, neque ab episcopo impetraret fidem quam semper impugnaverat, elucubravit adversùs pristinam religionem luculentissimos libros, et tandem velut quibusdam obsidibus pietatis fœdus impetravit. On le regarda comme un ennemi qui voulait faire un traité de paix ; mais, avant que de conclure, on voulut avoir des garans de l’observation de sa parole. On lui demanda des otages, il en donna : ce furent sept invectives contre les païens. Après cela il fut regardé comme un bon frère, et il fut reçu à la paix de l’Église.

(B) Il se hâta un peu trop en composant son ouvrage. ] Commentons ceci par un passage de Baronius. Quod verò opus illud, ut inter fideles admitteretur, quasi fidei suæ vadem festinus absolvit ; hinc planè est quòd in eo (ut ait Hieronymus) fuisse visus est inæqualis et nimius, et absque operis sut partitione confusus. Rursùm verò quod nondùm plenè esset scientiâ rerum christianarum imbutus, utpotè cùm non solùm non fuerit baptismate illustratus, sed nec in Ecclesiam inter cathecumenos acceptus [2] ; veniâ dignus est, si aliquibus nævis visus est commentarius ille esse respersus [3].

(C) Il débita des erreurs très-dangereuses. ] Nous venons de voir que Baronius attribue l’hétérodoxie, qui se rencontre dans les sept livres d’Arnobe, à la précipitation avec laquelle ils furent écrits ; car l’auteur ne put attendre à les faire qu’il eût eu le temps de se bien instruire de tous les points de la foi chrétienne. L’annaliste veut qu’on excuse les erreurs d’Arnobe : il les représente comme de petits défauts ; mais il est sûr que l’Inquisition ferait aujourd’hui brûler tous ceux qui débiteraient de telles doctrines. Je consens que l’on ait de l’indulgence pour la personne d’Arnobe ; il n’en est pas moins vrai que ses sentimens sur l’origine de l’âme, et sur la cause du mal physique, et sur quelques autres matières capitales, sont très-pernicieux. Je l’ai remarqué ailleurs [4]. Il aurait pu dire à l’égard de nos mystères ce que Perse avoue à l’égard de la poésie, qu’il se mêlait d’en parler avant que de les connaître :

Nec fonte labra prolui Caballino,
Nec in bicipiti somniâsse Parnasso
Memini, ut repentè sic poëta prodirem.
Heliconidasque, pallidamque Pyrenen
Illis remitto, quorum imagines lambunt
Hederæ sequaces. Ipse semipaganus
Ad sacra Vatum carmen affero nostrum [5].


  1. Hieronymus, in Chronico Eusebii, ad annum 2, olymp. 276.
  2. M. du Pin n’est pas de ce sentiment. Il composa, dit-il, Biblioth. des Auteurs ecclés., tom. I, pag. 203, lorsqu’il n’était encore que catéchumène, sept livres.
  3. Baron., ad ann. 302, num. 67, pag. 733.
  4. Consultez la Table de ce Dictionnaire, au mot Arnobe.
  5. Persius, in Prologo.