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ARODON.

Sed ne in hoc quidem labore acquiescere potuit qui in ecclesiæ voluit consumi bonum. Brevingii ab eo tempore feliciter demolitus est tribunal, Erbermannum Bellarmino adversùs Amesium suppetias ferentem confondit, etc. [1]. Voilà quelques Anti qui ne sont point dans la liste de M. Baillet.

  1. Marckius, in Orat. funeb. Arnoldi., pag. 35.

ARODON (Benjamin d’), juif allemand, auteur d’un livre rempli de préceptes pour les femmes. Il a été traduit d’allemand en italien par le rabbin Jacob Alpron. Cette version fut réimprimée à Venise, l’an 5412, selon le calcul des Juifs [a], après avoir été exactement corrigée par le rabbin Isaac Lévita. Ce livre est fort chargé d’observances, non-seulement pour la propreté du corps, mais aussi pour la pratique des prières et des bonnes œuvres. Les observances du premier ordre contiennent souvent des minuties, ou des régularités superstitieuses, et il y a quelquefois un grand rigorisme dans celles du second ordre (A). C’est ce que l’on verra plus amplement dans la remarque qui accompagne cet article.

  1. Je crois que cela répond à notre année 1652.

(A) Il y a un grand rigorisme dans les observances que contient son ouvrage. ] Car, par exemple, on ordonne au mari et à la femme de ne dire mot pendant le devoir conjugal, et de n’avoir que des pensées pieuses, sans aucune application au plaisir ; et on leur déclare que, s’ils agissent d’une autre manière, leurs enfans naîtront difformes. Ogni persona deve esser avvertita, tanto l’huomo, come la donna, nel tempo che si congiungono insieme non devono parlar, nè haver niun cattivo pensiere, nè debbano scoprire li luoghi occulti e vergognosi, perche quelli che parlano in quel tempo che si congiungono insieme, quella creatura che viene conceputa in quell’ instante, riuscisse dal ventre della madre con qualche מקרה, o zoppo, o muto, o guercio, o simili mancamenti, o del tuto distrutto, e mal conditionato… non devono haver intentione in quell’ instante alli piaceri, ma solo per adempir il voler divino.. [1] : ambidui devono pensarin quell’ instante, che questo non lo fanno per il lor giovamento ed adempir di lor appetit carnali, ma solo per mantener il precetto.... ogn’ huomo da bene fa quello, che deve pensare in quell’ instante, perche si deve pensar solo a pensieri santi e pii [2]. Cette morale est très-belle, et très-rigide tout ensemble. Voyez ce que l’on a dit dans les Nouvelles de la République des Lettres [3] touchant un livre de M. Yvon, ministre des Labadistes. Une si grande pureté est de ces sortes de biens qu’il est plus facile de souhaiter que d’espérer ; mais néanmoins, les casuistes sont fort louables, quand ils insistent là-dessus, et qu’ils tâchent d’introduire la pureté où les fureurs d’une convoitise brutale ne règnent que trop. Si notre rabbin avait cru, comme église romaine, que le mariage est un sacrement, il n’aurait pas exigé que ceux qui y participent eussent des dispositions plus saintes que celles qu’il leur demande. Il leur impose tout à la fois la loi du favete linguis [4], dont les païens recommandaient l’observation dans les grands mystères, et celle du sursùm corda, que l’ancienne église n’oubliait jamais de notifier dans la célébration de ses plus augustes cérémonies. En un mot, il est certain que si cet homme eût reçu avec une entière foi la doctrine de Jésus-Christ, et s’il eût été animé de l’esprit de grâce, il n’eût pas donné des conseils plus dignes de la pureté évangélique. Cela doit faire honte aux docteurs de relâchement qui sont si communs parmi les chrétiens.

Notez que le dogme de ce rabbin ne s’accorde guère avec le conseil des

  1. Precetti da esser imparati dalle Doune Ebree, cap. LXX, pag. 41, 42.
  2. Là même, cap. LXXI, pag. 43.
  3. Mois de novembre 1685, pag. 1290.
  4. Horat., Od. I, lib. III. Voyez là-dessus ses commentateurs.