docteurs en médecine. Ceux-ci prétendent qu’un enfant conçu sous des distractions d’esprit, je veux dire, sous des pensées sérieuses, graves, immatérielles, est niais, sot et imbécile [1] ; et ils donnent de tout autres conseils à ceux qui désirent des enfans [2] : mais pour peu qu’on soit raisonnable, on demeurera d’accord qu’ils mènent les hommes à une très-mauvaise école de chasteté : leurs préceptes ne sont faits que pour des gens qui voudraient borner toutes choses à une vie animale, terrestre, sensuelle, épicurienne. Il faut aller à l’école du rabbin, si l’on veut apprendre à se comporter dans cette partie des devoirs, en créature douée d’une âme spirituelle, et qui ne veut point se rendre digne de cette censure,
O curvæ in terras animæ et cœlestium inanes [3] ;
On comprendra mieux combien la
morale de ce Juif est belle et sublime,
si l’on se souvient qu’elle est directement
opposée aux maximes de ces
docteurs de corruption, qui ont rempli
leurs poésies de tant de lascivetés.
Ces dangereux empoisonneurs se gardent
bien de conseiller le silence ; et
c’est ce qui a fait trouver à un moderne
quelques preuves de l’interprétation
qu’il a donnée aux paroles d’un
poëte grec, qui contiennent la description
de l’antre des nymphes. Pour
le regard du murmure agréable dont
Homère parle, dit-il [4], ce sont
sans doute ces paroles obligeantes des
amans, cet ohime cor mio des italiens,
ce ζωὴ καὶ ψυχὴ des Grecs, et
cet alma de mi alma des Espagnols,
qui accompagnent les plus favorables
privautés, et qui font dire au plus savant
de tous les poëtes en l’art d’aimer :
Accedant questus, accedat amabile murmur,
Et dulces gemitus, aptaque verba joco [* 1].
Voyez comme il parle ailleurs :
Et mihi blanditias dixit, dominumque vocavit ;
Et quæ prætereà publica verba juvant [* 2]
Je ne vous apprendrai pas que le terme
juvare est tout-à-fait érotique, et
consacré aux dernières délices de l’amour,
qu’expriment encore, aussi
bien que le murmure, ces deux vers
du même auteur :
Me voces audire juvat sua gaudia fassas,
Utque morer, me, me, sustineamque roget [* 3].
..... L’épithalame célèbre de l’empereur
Gallienus, que Trebellius Pollio
préfère à ceux de cent poëtes qui
s’exercèrent aussi sur le même sujet,
représente merveilleusement bien encore
ce sourd et obligeant murmure,
et les caresses qui en sont inséparables.
L’on veut que tenant la main des
enfans de ses frères qu’il mariait, il
leur prononçât ces vers de sa façon :
Ite, Ite, ô pueri, pariter sudate medullis.
Omnibus inter vos, non murmura vestra columbæ,
Brachia non hederæ, non vincant oscula conchæ.
Certes il est difficile de rien dire de
plus pathétique, ou de plus passionné
là-dessus. Être diamétralement opposé
à ces faux docteurs, à ces pestes de la
jeunesse, c’est un grand éloge, c’est
un préjugé légitime que la morale que
l’on avance est d’une admirable pureté.
Il faut joindre à tout ceci la judicieuse
réponse qui fut faite par le
célèbre M. Drelincourt à un évêque
qui s’était servi d’une remarque tout-à-fait
indigne, je ne dirai pas d’une
personne de son caractère, mais aussi
d’un laïque qui aurait eu quelque dégoût
du style badin. Au lieu d’effacer
de ses larmes, ce sont les paroles de
M. Drelincourt [5], ces façons de
parler, que la vierge Marie est l’esprit
et la vie des chrétiens, il les défend
par des railleries qu’il ferait beaucoup
mieux de laisser à ceux qui montent
sur le théâtre. Vous autres, dit-il,
messieurs les pasteurs de l’église protestante,
qui avez des chères moitiés,
non tant comme des accidens inséparables
de votre substance, que comme
les os de vos os, et la chair de votre
chair, voire, qui n’êtes qu’une chair
en deux personnes, dites bien d’autres
termes plus caressans à ces âmes de
- ↑ (*) Ovidius, lib. II, vs. 723, de Arte amandi.
- ↑ (*) Lib. III Amorum, Eleg. VII, vs. 11.
- ↑ (*) Lib. II de Arte amandi, v. 689.
- ↑ Voyez la remarque (C) de l’article François d’Assise, dans le second alinéa.
- ↑ Voyez Roderic de Castro, de Naturâ Mulierum, lib. III, cap. V.
- ↑ Persius, Sat. II, vs. 61.
- ↑ Hexameron rustique, IVe. journée, pag. 112 et suiv.
- ↑ Drelincourt, Avant-Coureur de la Réplique à M. le Camus, évêque de Belley, pag. 36, 37.