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ARTABAN IV.

qu’il put faire fut de se sauver avec une petite escorte [a] : la ville de Ctésiphonte, où il faisait sa résidence, fut pillée ; tous ses trésors et tous ses meubles tombèrent entre les mains de l’ennemi [b]. Mais cette supercherie ne fut rien en comparaison du tour déloyal que lui joua Caracalla. Il lui envoya des ambassadeurs chargés de riches présens, pour lui demander en mariage sa fille ; et lui allégua cent belles choses, qui devaient résulter de cette alliance au bien et à la gloire des deux nations [c]. Artaban rejeta d’abord cette demande, ne prévoyant aucune concorde dans ce mariage, vu la différence de langage et de coutumes, qui serait entre sa fille et un empereur romain. Enfin les nouvelles instances de Caracalla, ses sermens, ses protestations d’amitié pour sa future épouse, obtinrent le consentement du père. Mais on va voir que Caracalla méditait une perfidie, qu’on peut regarder comme le modèle, ou du moins comme l’ébauche de la saint-Barthélemi de Catherine de Médicis. Il alla avec son armée au pays des Parthes, et fut reçu partout comme le gendre du roi ; et dès que l’on eut appris qu’il était près de la capitale, Artaban, accompagné d’une multitude infinie de monde, alla au-devant de lui. Les Parthes ne songeaient qu’à bien témoigner leur joie ; ils ne faisaient que boire, que chanter et que danser : alors Caracalla, donnant le signal à ses troupes, fit faire main basse sur cette multitude de gens. On en tua tant qu’on voulut ; car il n’y avait personne qui fût en état de résister. Artaban ne fut sauvé qu’avec peine. Depuis cette journée, Caracalla ne fit que piller et que brûler, jusqu’à ce qu’étant las de le faire, il s’en retourna dans la Mésopotamie, où il fut tué. Artaban, affamé de tirer raison de l’injure qu’il avait soufferte, marcha le plus tôt qu’il put contre l’armée romaine, qui avait élu Macrin à la place de Caracalla. Le combat ayant duré deux jours de suite, depuis le matin jusqu’au soir, recommença le troisième, et aurait apparemment duré jusqu’à l’entière ruine de l’une ou de l’autre armée, si Macrin n’eût fait savoir à Artaban la fin malheureuse de Caracalla, et ne lui eût déclaré qu’il désapprouvait le passé, et qu’il voulait lui rendre tous les prisonniers et tout le butin qui se trouveraient encore, et vivre en paix avec lui. Artaban accepta ces offres, et ainsi la paix fut conclue entre lui et le nouvel empereur l’an 217. Il fut le premier que l’on nomma le grand roi ; et il portait un double diadème (A). Sa mauvaise fortune lui suscita en 226 un redoutable ennemi, je veux dire cet Artaxerxès, qui soutint sa rébellion avec tant de bonheur et tant de courage ; qu ’au bout de trois ans il mit fin à la monarchie des Parthes.

  1. Herodian., lib. III, cap. IX.
  2. En l’année 200, selon Calvisius.
  3. Herodian., lib. IV, cap. X, et seq.

(A) Il fut le premier que l’on nomma le grand roi, et il portait un double diadème. [1]. ] J’ai cité mon au-

  1. Herodian., lib. II, cap. II, pag. 257.