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ARTÉMIDORE.

qui montait à plusieurs volumes. ] J’ai déjà témoigné mon étonnement, qu’il y ait eu des personnes qui aient fort travaillé à se convaincre de la prétendue science des songes. Je ne m’étonnerais pas que plusieurs soi-disans devins se vantassent de la posséder : ils pouvaient gagner leur vie à cela, et profiter des songes d’autrui sans se chagriner des leurs, car ils pouvaient n’avoir nulle foi pour l’art dont ils faisaient profession. Mais je ne saurais juger ainsi d’Artémidore, ni de tant d’autres auteurs graves, qui ont écrit sur l’explication des songes [1]. Ils y étaient trompés tous les premiers. Voici ceux que M. Rigaut nomme [2] : Artemon Milesius, Antiphon, Apollodorus Telmissensis, Apollonius Attalensis, Aristender Telmissensis, Aristarchus, Alexander Myndius, Cratippus, Demetrius Phalereus, Dionysius Rhodius, Epicharmus, Geminus Tyrius [3], Hermippus, Nicostratus Ephesius, Phœbus Antiochenus, Philochorus, Panyasis Halicarnasseus, Serapion, Strato. Ils avaient tous précédé Artémidore, selon M. Rigaut. Tertullien n’en nomme qu’une partie : Quanti autem, dit-il [4], commentatores et affirmatores in hanc rem, Artemon, Antiphon, Strato, Philochorus, Epicharmus, Serapion, Cratippus, et Dionysius Rhodius, Hermippus tota sæculi litteratura. André Schot, outre quelques-uns de ceux-là, nomme Astrampsychus, Cassius Maximus, et Dionysius Heliopolita [5]. Il dit qu’Artémidore a cité ces deux derniers ; mais quant à Cassius Maximus, je ne vois point qu’Artémidore, qui lui dédie les trois premiers livres de son ouvrage, en parle que comme d’un homme qui était curieux de cette science [6], et qui pourrait la comprendre en peu de temps [7] : et, pour ce qui est de Denys Héliopolite je ne l’ai point rencontré dans Artémidore. On peut nommer à coup sûr Pappus d’Alexandrie ; car il a écrit sur l’explication des songes, comme nous l’apprend Suidas. Voyez ci-dessus l’article d’Achmet. Entre les modernes, il y a un certain Josué Abrech, qui promet monts et merveilles dans le titre de son livre. Je n’en connais que cela, pour l’avoir vu dans Vander Linden [8], et dans Théophile Spizélius [9]. Son ouvrage fut imprimé l’an 1607. Nous parlerons de Junien Masos en son lieu [10]. Tout à ce moment je rappelle dans ma mémoire que Lysimachus, fils de la fille d’Aristide, gagnait sa vie à interpréter des songes dans un carrefour. Μνημονεύειν Ἀριςείδου θυγατριδοῦν εὖ μάλα πένητα Λυσίμαχον, ὁς ἑαυτόν ἐκ πινακίου τινὸς όνειροκριτικοῦ παρὰ τὸ Ἰακχεῖον λεγόμενον καθεζόμενος ἔϐοσκε. [11]. Inter Aristidis nepotes ex filiâ cognôsse oppido pauperem Lysimachum, qui juxta locum, quod Iacheum appellatur, sedens vitam interpretandis ex tabulâ quâdam somniis toleraret. La misère l’avait réduit à cela. Il eût fait moins de tort à la glorieuse mémoire de son aïeul, si, au lieu de cette manière d’almanach dont il se servait pour répondre aux consultans, il eût manié une alêne et du ligneul, afin de raccommoder de vieux souliers.

(D) Il méprisa les médisances de ces gens graves....qui méprisent.... ceux qui se mêlent de prédire. ] Ces gens-là ont tort quelquefois ; et l’on fait bien d’aller toujours son chemin en ces rencontres, sans avoir égard à leur critique. Mais Artémidore se trouvait-il dans le cas ? Était-il beaucoup moins blâmable que ceux qui, à l’imitation de Catulle, se moquent injustement de la censure chagrine des vieux barbons ?

Vivamus, mea Lesbia, atque amemus,
Rumoresque senum severiorum
Omnes unius æstimemus assis [12].


  1. Voyez ci-dessous le passage de Tertullien, citat. (14).
  2. Rigalt., Not. in Artemidor., pag. 5.
  3. André Schot, sur la IXe. controverse de Sénèque ; et Jonsius, de Script. Hist. Philosoph., pag. 329, disent Geminus Pyrius. Il y a dans l’Artémidore de Rigaut, liv. II, chap. XLIX, Γεμινοῦ τοῦ Τυρίου.
  4. Tertul., lib. de Animâ, cap. XLVI. Vide etiam Fulgent. Mytholog., lib. I, cap. XIII, et ibi Munckerum.
  5. Andr. Scottus, in hæc verba Senecæ, Controv. IX, Antiphontis libros vocabat, tantùm in illis somniorum est.
  6. Artem., lib. III, init. pag. 164 ; lib. IV, init. pag. 197.
  7. Idem, lib. II, circa fin. pag. 161.
  8. De Scriptorib. Medicis.
  9. Specim. Biblioth.
  10. Voyez son article, et le commencement de la remarque (H) de l’article d’Alexander ab Alexandro.
  11. Phalerus in Socrate, apud Plutarch., sub fin. Vitæ Aristidis, pag. 335.
  12. Catulli Epigr. V.