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ASCLÉPIADE.

ædificavit. Ce n’est donc pas sans raison que Tzetzès a dit que l’une et l’autre Artémise ont commandé des armées, ἄμϕω δὲ ςρατηγέτιδας, γεναίας ἀμϕοτέρας [1]. On ne sait que penser des auteurs quand on voit qu’ils ont débité des choses si incompatibles d’une même reine. Il n’aura fallu qu’un homme sensible à ses libéralités, pour persuader au genre humain que le regret d’avoir perdu son mari l’avait tuée. Les écrivains l’auront cent fois répété de main en main, comme une chose non-seulement rare, mais aussi qu’il est important de proposer en exemple. Les embellissemens les plus singuliers viennent tôt ou tard sur ces sortes de traditions.

  1. Tzetz., chil. XII, vs. 966, Hist. 455.

ASCLÉPIADE, natif de Phlie [a] au Péloponnèse, tient un rang considérable parmi les anciens philosophes. Il fut disciple de Stilpon [b], et il attira Ménedème à la même école ; Ménedème, dis-je, avec qui il contracta une si tendre amitié [c], qu’on pouvait la comparer à celle d’Oreste et de Pylade (A). Après avoir étudié sous Stilpon à Mégare, ils passèrent à Élide, et y conférèrent avec les disciples de Phédon [d]. Ils étaient tous deux fort pauvres, et il fallut qu’à la sueur de leur corps ils gagnassent de quoi vivre (B). Ils ne laissèrent pas de s’appliquer à l’étude, et de devenir de bons philosophes. Ménedème était plus jeune que son ami [e] : ils ne se réglèrent point sur la différence de leur âge, quand ils voulurent se marier. Leur dessein était de vivre ensemble, de loger ensemble, après même leur renoncement au célibat. Ils jugèrent donc nécessaire de choisir leurs femmes avec une précaution qui leur pût promettre la concorde domestique, et ils crurent avoir trouvé leur fait dans une famille où il y avait une femme mère d’une fille, l’une et l’autre en état d’être mariées. Ménedème épousa la mère, et Asclépiade la fille [f]. Celle-ci étant morte, Ménedème céda son épouse à son ami, et se maria avec une fille riche ; mais il voulut que tout le gouvernement de la maison fût entre les mains de la femme d’Asclépiade. Il ne lui fut pas difficile de trouver un bon parti, car il avait la principale autorité dans la ville où il demeurait [g] : je veux dire dans Érétrie, son lieu natal. Asclépiade y mourut fort vieux [h]. Il vécut avec beaucoup de frugalité dans l’opulence du logis de son ami [i], et il supporta tranquillement le malheur qu’il eut de perdre la vue (C). On put connaître que sa mort n’éteignit point l’amitié que Ménedème avait sentie pour lui (D). Puisque j’ai dit qu’il fut disciple de Stilpon, il n’est pas nécessaire que j’observe qu’il a fleuri un peu après la mort d’Alexandre. Il eut un fils, qui se gouverna très-mal, et que Ménedème chassa du logis, sans daigner lui dire un mot. Cela

  1. Φλιάσιος, Phliasius, Diog. Laërt., de Vitis Philos., lib. II, in Menedemo, circa initium, pag. 153, edit. Amstel. ann. 1692.
  2. Diogen. Laërt., lib. II, pag. 153.
  3. Idem, ibid., pag. 159, num. 137.
  4. Idem, ibid., pag. 153, num. 126.
  5. Diog. Laërt., pag. 159, num. 137.
  6. Idem, ibid.
  7. Idem, ibid.
  8. Idem, num. 138.
  9. Συζήσας τῷ Μενεδήμῳ σϕόδρα εὐτελῶς ἀπὸ μεγάλων. Cùm in magnis opibus frugaliter admodùm vixisset cum Menedemo. Diogen. Laërtius, lib. II, num. 138.