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ASCLÉPIADE.

coup de vogue [a]. Ayant guéri une personne dont on allait faire les funérailles (A), il s’acquit une réputation incroyable ; mais la gageure qu’il fit contre la fortune fit encore parler de lui avec plus d’admiration (B). Il s’engagea à ne point passer pour médecin, s’il était jamais malade : et il gagna la gageure ; car il mourut d’une chute, dans une grande vieillesse. Ce fut à Rome qu’il se signala. Il y était venu pour y enseigner la rhétorique [b] ; mais voyant que cet emploi n’était pas assez lucratif, il se tourna du côté de la médecine : et comme il ne connaissait pas les remèdes qui étaient alors en usage, il prit le parti de les condamner, et d’en inventer de nouveaux. Il s’attacha à des inventions commodes, et dont chacun se pouvait servir sans l’aide du médecin. Cela les fit recevoir agréablement : tout le monde courut à lui, et le regarda comme un Dieu donné (C). Entre les choses qui lui furent favorables pour s’accréditer, nous ne devons pas omettre la sotte crédulité que l’on avait eue par rapport aux vertus magiques de certaines herbes ; car étant aisé de persuader que la plus grande partie de ces vertus étaient chimériques, il fut facile à Asclépiade de faire perdre tout le crédit des anciens remèdes (D). Il ne croyait point que l’âme fut distincte de la matière [c]. Il composa plusieurs livres, qui sont tous perdus. Pline, Celsus et Galien en ont cité quelques-uns. Il eut aussi plusieurs disciples, qui furent célèbres [d]. La délicatesse de Pline me paraît trop grande : il ne pouvait souffrir qu’un tel homme, qui n’avait étudié la médecine que pour gagner de l’argent, fût devenu un législateur si utile au genre humain (E). Suidas, qui a confondu notre médecin avec un Asclépiade de Myrlea, grammairien, en a été repris par M. Moréri, conformément aux observations de Vossius. C’est pourquoi je n’en parle pas, et je me contente d’indiquer les sources. Je remarquerai seulement les fautes de quelques autres auteurs (F). Celles de M. Moréri ne sont pas considérables (G). Il y eut un autre Asclépiade, médecin célèbre sous l’empire d’Hadrien (H).

    rabili, vinum promittendo ægris, dandoque tempestivè tum aquam frigidam. Plinius, lib. XXVI, cap. III, pag. 444.

  1. Tiré de Pline, liv. XXVI, chap. III, pag. 444.
  2. Idem, ibid.
  3. Voyez Tertullien au livre de Animâ, chap. XV.
  4. Voyez-en les noms dans la Lettre XLVI de Reinesius à Rupert, pag. 395.

(A) Il guérit une personne, dont on allait faire Les funérailles. ] Voici ce que Pline nous en apprend. Summa autem (fama est) Asclepiadi Prusiensi...... relato à funere homine et servato [1]. Il observe ailleurs que cette espèce de résurrection fut nécessaire pour établir la réforme qui fut introduite dans la médecine, et qu’il ne faut pas s’imaginer qu’une si grande innovation se soit faite sans des motifs considérables. Magnâ auctoritate, nec minore famâ, cùm occurrisset ignoto funeri relato homine ab rogo atque servato, ne quis levibus momentistantam conversionem factam existimet [2]. Celse n’a parlé qu’en passant de cette admirable guérison. In vicino sæpè quædam notæ positæ non bonos sed imperitos medicos decipiunt ; quod Asclepiades sciens, funeri

  1. Plinius, lib. VII, cap. XXXVII, pag. 58, 59.
  2. Idem, lib. XXVI, cap. III, pag. 445.