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ASCLÉPIADE.

obvius inclamavit, eum vivere qui efferebatur [1]. Mais Apulée en a étendu les circonstances, sans oublier que les héritiers n’étaient pas bien aises qu’Asclépiade soutînt que cet homme n’était point mort. Asclepiades ille, dit-il [2] inter præcipuos medicorum, si unum Hippocratem excipias, cæteris princeps, primus etiam vino opitulari ægris reperit : sed dando scilicet in tempore ; cujus rei observationem probè callebat : ut qui diligentissimè animadverteret venarum pulsus inconditos, vel præclaros. Is igitur cùm fortè in civitatem sese reciperet, et rure suo suburbano rediret, aspexit in pomariis civitatis funus ingens locatum, plurimos homines ingenti multitudine qui exequias venerant circumstare, omnes tristissimos et obsoletissimos vestitu. Propiùs accessit, ut etiam incognosceret, more ingenii humani, quisnam esset, quoniam percontanti nemo responderat. At verò ipse aliquid in illo ex arte deprehenderat. Certè quidem jacenti homini ac propè deposito fatum abstulit. Jam miseri illius membra omnia aromatis perspersa, jam os ipsius unguine odoro dilibutum, jam eum pollinctum, jam cœnæ paratum, contemplatus eum diligentissimè quibusdam signis animadvertit : etiam atque etiam pertractavit corpus hominis : et invenit in illo vitam latentem. Confestìm exclamavit, vivere hominem, procul ergò faces abigerent, procul ignes amolirentur, rogum demolirentur, cœnam feralem à tumulo ad mensam referrent. Murmur intereà exortum, partìm medico credendum dicere, partìm etiam irridere medicinam. Postremò propinquis etiam hominibus invitis, quòd ne jam ipsi hereditatem habebant, an quòd adhuc illi fidem non habebant : ægrè tamen ac difficulter Asclepiades impetravit brevem mortuo dilationem. Atque ità vispillonum manibus extortum, velut ab inferis, postliminio domum retulit, confestìmque spiritum recreavit, confestìmque animam in corporis latibulis delitescentem quibusdam medicamentis provocavit. Le conte de la femme deux fois portée en terre viendra ici à propos. Elle fut ressuscitée sans le secours de la médecine, mais son mari n’en fut pas trop aise. Voici ce conte. « Dans un village de Poitou, une femme eut une grosse maladie, à la fin de laquelle elle tomba en léthargie : son mari et ceux qui étaient autour d’elle la crurent morte. Ils l’enveloppèrent seulement d’un linge, selon la coutume des pauvres gens du pays, et la firent porter en terre. En allant à l’église, celui qui la portait passa si près d’un buisson, que les épines l’ayant piquée elle revint de sa léthargie. Quatorze ans après, elle mourut encore, au moins le crut-on ainsi. Comme on la portait en terre, et que l’on approchait d’un buisson, le mari se mit à crier deux ou trois fois : N’approchez pas des haies [3]. »

(B) La gageure qu’il fit contre la fortune fit parler de lui avec admiration. ] Je ne crois pas qu’aujourd’hui les charlatans les plus hâbleurs osassent faire de tels paris, et surtout si l’on exigeait qu’ils consignassent une somme. Quoi qu’il en soit, je me persuade qu’on sera bien aise de trouver ici le texte de Pline : Summa autem Asclepiadi Prusiensi ( fama est)... maximé sponsione factâ cum fortunâ, ne medicus crederetur, si unquäm invalidus ullo modo fuisset ipse : et victor, supremâ in senectâ lapsu scalarum exanimatus est [4]. Ce fut une étrange témérité que celle de ce médecin ; mais le bonheur de n’avoir pas été démenti par l’événement me paraît encore plus singulier. Je remarque qu’en certaines choses il tenait du charlatan. Il mit en usage le vin pour certains malades, et il vanta de telle sorte son remède, qu’il dit que la puissance des dieux égalait à peine celle du vin. Asclepiades utilitatem vini æquari vix deorum potentiâ pronuntiavit [5].

(C) Tout le monde courut à lui, et le regarda comme un Dieu donné. ] On va voir encore dans les paroles de Pline une image de l’ascendant que prennent encore aujourd’hui certains médecins. Torrenti ac meditatâ quotidiè oratione blandiens omnia (reme-

  1. Celsus, de Medicinâ, lib. II, cap. VI, pag. 57.
  2. Apuleius, in Floridis, pag. 362.
  3. Ménagiana, pag. 117, 118, de la première édition de Hollande.
  4. Plinius, lib. VII, cap. XXXVII, pag. 58, 59.
  5. Idem, lib. XXIII, cap. I, pag. 251.