Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/492

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
482
ASCLÉPIADE.

dice des auteurs qui sont cités par Athénée, on entend d’Asclépiade de Myrlea ces paroles du Xe. livre ; Ἀσκληπιάδης ἐν τοῖς τραγῳδουμένοις [1]. Dalechamp les a traduites, Asclepiades libro de iis quorum nomine editæ sunt tragœdiæ. Casaubon l’en censure, et lui fait voir que le titre de cet ouvrage n’était pas du genre masculin τραγῳδούμενοι, mais du genre neutre τραγῳδούμενα ; et que c’est ainsi que Plutarque l’a cité [2]. Il ne dit point où l’on trouve cette citation : je dirai donc, pour suppléer à ce défaut, qu’on la trouve dans la vie d’Isocrate, comme on le verra bientôt. Casaubon eût pu ajouter que ce même ouvrage d’Asclépiade est cité au genre neutre par Étienne de Bysance et par Photius. On le verra tout à l’heure. Ce critique a cru qu’Asclépiade expliquait dans ce traité-là les actions qui avaient servi de matière aux poëtes tragiques. Je ne doute point de cela, ni de la faute de Dalechamp. Le traducteur latin de Plutarque a bronché sur le même titre ; car il a rendu ces paroles de Plutarque, Ἀσκληπιάδης ὁ τὰ τραγῳδούμενα συγγράψας par Asclepiades tragœdieæ scriptor [3]. Cela montre assez clairement, sans qu’il faille se servir de la suite de sa traduction [4], qu’il a pris Asclépiade pour un auteur de tragédies. André Schot fait la même chose, dans sa traduction de Photius. Photius, num. CCLX, 1456, parle ainsi : Ἀσκληπιάδης ὃς τὰ τραγῳδούμενα συνεγράψατο [5] : c’est-à-dire, selon André Schot, Asclepiales qui tragœdias scripsit. C’est un abus : l’Asclepiade, dont il s’agit là, ne nous est point représenté comme un tel auteur. Notez en passant qu’il fut disciple d’Isocrate, vous en pourrez inférer en quel temps il a vécu. Pinedo a mieux entendu que le traducteur de Plutarque le sens du mot τραγῳδούμενα ; car en traduisant ce grec, Ἀσκληπιάδης ὁ τὰ τραγῳδούμενα γράψας ἐν ἓξ βιϐλίοις [6], il a dit, Asclepiades qui de rebus in tragœdiâ decantatis sex libros scripsit. Ces paroles grecques sont tirées de l’endroit où Étienne de Bysance nous apprend que l’Asclépiade, qui composa ces six livres, était de Tragile ville de Thrace. Je voudrais que Casaubon eût censuré Dalechamp, qui s’est figuré qu’Athénée cite Asclépiade de Myrlea dans le passage que l’on a vu ci-dessus. Gesner a commis la même faute [7]. Étienne de Bysance eût fourni la justification de cette censure. Vous trouverez dans Pinedo deux grosses fautes : il dit premièrement, qu’Asclépiade de Myrlea, disciple d’Apollonius, fut un grammairien qui enseigna sous le grand Pompée dans Rome, et qui avait demeuré à Alexandrie pendant sa jeunesse sous Ptolomée IV. En second lieu, il nous donne à deviner si c’est le même Asclépiade, qui enseigna la grammaire dans la Turditanie, province d’Espagne [8]. Je lui représente sur le premier chef, qu’un homme, qui aurait vécu sous Ptolomée IV, et qui aurait enseigné dans Rome au temps de Pompée, aurait été un prodige ; car, entre la dernière année de ce Ptolomée, et la mort de Mithridate vaincu par Pompée, il n’y a pas moins de 140 ans. Sur le second chef je me contente de dire, que Strabon dit nettement qu’Asclépiade de Myrlea enseigna la grammaire dans la Turditanie [9]. Le sieur Pinedo l’avait remarqué lui-même dans un autre lieu [10]. D’où vient donc qu’il en a fait un problème ?

Examinons en deux mots une remarque du père Hardouin. Il dit qu’Asclépiade de Pruse fut ami de Cicéron, et il le prouve par un passage du premier livre de Oratore. Il n’en rapporte qu’une petite partie [11] ; mais le voici tout entier : Neque verò Asclepiades is, quo nos medico amicoque usi sumus, tùm quùm eloquentiâ vincebat cæteros medicos, in eo ipso quod ornatè dicebat, Medicinæ facultate utebatur, non eloquentiæ [12].

  1. Athen., lib. X, pag. 456.
  2. Casaub., in Athen., pag. 769.
  3. Plutarch., in Vitâ Isocrat., pag. 837, C.
  4. Elle confirme qu’il a pris Tragediæ scriptor, non pas pour un homme qui traite de la tragédie, mais pour un poëte qui compose des tragédies.
  5. Photii Biblioth., cod. CCLX.
  6. Steph. Bysantin., verbo Τράγιλος.
  7. Gesner., in Biblioth., folio 97.
  8. Pinedo, in Steph. Bysantin., pag. 757.
  9. Strabo, lib. III, pag. 108.
  10. Pinedo, in Steph. Bysantin., pag. 479.
  11. Eloquens medicus dicitur Ciceroni, lib. I de Orat., pag. 283, qui se eo medico et amico usum esse gloriatur. Harduinus, in Indice Autor. Plinii, pag. 99.
  12. Cicer., de Orat., lib. I, folio 61, C.