Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/498

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
488
ATHÉNAGORAS.

rait pas que Lucius Aurèle était marié avec la fille de Marc Aurèle, et qu’ainsi, puisqu’il adressait la parole au beau-père et au gendre, il pouvait bien les considérer comme le père et le fils. C’est ainsi en effet que le père Pagi a répondu à cette objection [1]. Il remarque même que c’est aussi la pensée de M. Toinard. L’autre passage que M. de Tillemont cite n’est point concluant : on peut l’entendre de cette façon. Nous faisons des vœux pour votre empire, afin que le fils le reçoive de son père, comme la justice le demande. Περὶ μὲν τῆς ἀρχῆς τῆς ὑμετέρας εὐχόμεθα, ἵνα παῖς μὲν παρὰ πατρὸς, κατὰ τὸ δικαιότατον, διαδέχηστε τὴν βασιλείαν [2]. Pro imperio vestro oramus, ut et filius à patre, sicut æquissimum est, imperium per manus accipiatis. Ce discours est très-raisonnable, soit qu’on suppose que l’Apologie fut présentée à Marc Aurèle et à son frère, soit qu’on suppose qu’elle le fut à Marc Aurèle et à son fils. C’est un vœu qui, dans l’hypothèse de Baronius, regarderait moins Commode, qui avait déjà été associé à l’empire, que les descendans de Commode. C’est un souhait que la famille de Marc Aurèle possédât toujours la majesté impériale selon l’ordre des successions légitimes en ligne directe. Notez que le père Pagi allègue ce vœu comme une preuve que le fils de Marc Aurèle n’était pas encore empereur. Je réfuterai en un autre lieu [3] ce qu’on infère de ce qu’Athénagoras a dit d’un Alexandre.

Concluons deux choses de tout ceci : la première, que le fondement de la controverse est en ce que les uns prennent le collègue de Marc Aurèle pour son frère, et les autres pour son fils ; la seconde, qu’il faut bien que ni les uns ni les autres n’allèguent rien d’évident, puisque le partage dure toujours. Scaliger [4], le père Labbe [5], le père Pagi, M. Dodwel, M. Chevreau [6], etc., sont pour le frère : Suffridus Petri [7], Baronius, le père Petau [8], M. du Pin [9], M. de Larroque, M. de Tillemont, et plusieurs autres savans sont pour le fils.

Notons, en passant, une erreur de Grotius. Floruit Athenagoras, dit-il [10], circa ann. Christi 190, ut ex libri inscriptione apparet. Cela n’est point juste ; car Marc Aurèle étant mort l’an 180, le titre d’un livre qui lui a été dédié ne prouve point qu’il en faille faire fleurir l’auteur vers l’an 190.

(B) On suppose qu’Athénagoras fut député... à la cour,.. et qu’il y présenta actuellement leur Apologie ; mais il y a lieu d’en douter. ] Voici les termes de Baronius : Orientis quoque ecclesias eâdem esse clade vexatas, legatio pro illis ab Athenagorâ Atheniensi..... tunc ad imperatores suscepta, et apologia pro eisdem tunc scripta ac dictis principibus oblata, manifestam certamque fidem faciunt [11]. Le père Labbe ne s’exprime pas moins clairement : Legationem suscepit pro christianis inter annum 165... et annum 150... non desunt tamen qui anno duntaxat 177 oblatum librum illum imperatoribus asserant [12]. M. Moréri, traduisant ce passage du père Labbe, s’est servi de ces paroles : Il présenta pour les fidèles à l’empereur Marc Aurèle Antoine une excellente apologie..… Il avait été envoyé à Rome pour les chrétiens, et ce fut depuis l’an 165, jusques en 170. Il n’a pas bien entendu son original, car les expressions du père Labbe signifient, non pas que l’ambassade d’Athénagoras dura depuis l’an 165 jusqu’à l’an 170, mais qu’elle

  1. Pagi, in Baron., ad ann. 177.
  2. Athenagor., sub fin., pag. 318.
  3. Dans l’article Paris [n’existe pas].
  4. Scalig., Animadv. in Euseb., num. 2182, pag. 820.
  5. Labbe, de Script. ecclesiast., tom. I, pag. 123.
  6. Chevreau, Hist. du monde, tom. II, pag. 353 de la première édition de Hollande : il met la présentation de l’Apologie à l’an 165. M. de Larroque, dans sa Dissertat. de Legione fulminatrice, pag. 648, lui attribue de l’avoir mise à l’an 175. Il s’est servi peut-être d’une autre édition.
  7. Suffrid. Petri Comment., in Athenagor., pag. 100 : il choisit l’an 179.
  8. Petavius, apud Pagi Dissertat. Hypat., pag. 116 : il choisit l’an 177.
  9. Du Pin, Bibliothéq., pag. 176, apud Larroquanum, Dissert. de Legione fulminat., pag. 648 : il choisit l’an 178.
  10. Grotius, de Verit. Religionis Cristian., pag. 128, apud Larroquan., ibid.
  11. Baron., ad ann. 179, num. 39, pag. 226.
  12. Philippus Labbe, Dissert. de Scriptor. ecclesiast., tom. I, pag. 123, 124.