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ATHÉNAGORAS.

les choses étaient empirées, les députés des églises eussent osé publier une requête, après l’avoir présentée au roi, et avant que de savoir sa réponse ? L’auteur de l’Histoire de l’édit de Nantes pourrait éluder ceci, en soutenant que les missionnaires firent imprimer la requête des protestans. Cela, quoique possible, choque toute vraisemblance ; mais voici un fait qui le pressera un peu plus. M. Jurieu composa un livre fort peu après que cette requête eut vu le jour, et il n’en parla que comme d’une requête qu’on avait dessein de présenter [1]. N’est-il pas plus digne de foi sur de telles choses, que l’historien de l’édit de Nantes, qui n’a écrit que bien des années après cet événement ? Lorsque je vis l’opposition qui se trouve entre ces deux écrivains, je fis consulter trois des principaux députés des églises, et nommément celui qui passe pour l’auteur de la requête. Les réponses que j’en ai tirées s’accordent parfaitement en ceci : c’est qu’ils ne se souviennent point si elle fut présentée ou non. Ils s’excusent de l’oubli sur le grand nombre d’affaires qui leur passaient alors par les mains, et sur le long et très-fâcheux temps qui s’est écoulé depuis. Je n’ai donc pas lieu de craindre que les personnes raisonnables m’accusent de témérité dans le parti que je prends ; car, outre les preuves que j’ai avancées, je me souviens que la tradition la plus fraîche, et en quelque façon originale, était celle que M. Jurieu a suivie, c’est que la requête vit le jour sans avoir été présentée par les députés.

(D) On ne le trouve cité que dans un ouvrage d’Épiphane. ] Il faut même corriger le texte, si l’on veut y rencontrer cette citation, Τἱ οὖν ὁ Διάϐολος λέξεται ; πνεῦμα περὶ τὴν ὕλην ἔχον, καθάπερ ἐλέχθη, ὦ Ἀθηναγόρα, γενόμενον ὑπὸ τοῦ Θεοῦ [2]. Quidnam igitur tandem Diabolum esse dicemus ? Spiritum videlicet qui circa materiam versatur, quemadmodùm dictum est, ô Athenagora, à Deo procreatum. C’est ce que portent les éditions d’Épiphane ; et suivant cela, il faudrait dire qu’il s’agit là d’un autre Athénagoras, qui aurait été interlocuteur dans le dialogue dont Épiphane donne des extraits. Or, c’est un dialogue composé par Méthodius contre Origène, et où Méthodius est l’un des interlocuteurs. Mais les critiques ont fort bien conjecturé qu’au lieu de ὦ Ἀθηναγόρα, il faut lire τῷ Ἀθηναγόρᾳ, ab Athenagorâ [3].

(E) Il n’était pas bien purgé de toute hétérodoxie. ] Il admet deux sortes de mauvais anges : l’une comprend ceux que Dieu créa, et qui s’acquittèrent mal de la commission qu’ils avaient reçue de gouverner la matière et de présider à la production des formes ; l’autre comprend ceux qu’ils engendrèrent par le commerce charnel qu’ils eurent avec les femmes : elle comprend, dis-je, les âmes des géans qui naquirent de ce commerce [4]. Suffridus Petri remarque qu’Athénagoras appuie son hypothèse sur deux passages de l’Écriture mal entendus. Testimonia sunt potissimùm duo, sed malè intellecta, quibus niti videtur Athenagoras [5]. Il n’entend, et il n’applique pas mieux le passage de l’Évangile qui condamne ceux qui répudient une femme pour en épouser une autre ; car il s’en sert à condamner les secondes noces, qu’il appelle sans détour un spécieux adultère. Ἤ σἷος τὶς ἐτέχθη, μένειν, ἢ ἐϕ᾽ ἑνὶ γάμῳ· ὁ γὰρ δεύτερος, ἐυπρεπής ἐςι μοιχεία. Ὃς γὰρ ἂν ἀπολύσῃ, ϕησὶ, τὴν γυναῖκα αὐτοῦ, καὶ γαμήσῃ ἄλλην, μοιχᾶται. Οὔτε ἀπολύειν ἐπιτρέπων ἧς ἔπαυσέ τις τὴν παρθενίαν, οὔτε ἐπιγαμεῖν. Ὁ γὰρ ἀποςερῶν ἑαυτὸν τῆς προτέρας γυναικός, καὶ ἐι τέθνηκε, μοιχός ἐςι παρακεκαλυμμένος, παραϐαίνων μὲν τὴν χεῖρα τοῦ θεοῦ, ὅτι ἐν ἀρχῇ ὁ θεὸς ἕνα ἄνδρα ἔπλασε καὶ μίαν γυναῖκα [6]. Aut ut quisque natus est, ità maneat, aut unis nuptiis contentus sit, secundæ enim speciosum sunt adulterium : Quisquis enim (inquit) dimiserit uxorem suam, et duxerit aliam, adulterium commitit : neque dimittere sinens eum, cujus virginitatem delibaris, neque alteram ducere. Nam qui seipsum priori uxore

  1. Voyez les Derniers Efforts de l’innocence opprimée, pag. 6.
  2. Epiphan. advers. Hæres., num. 64, pag. 544, tom. I.
  3. Paulus Leopardus, Emendat., lib. XIX, cap. IX. Petavius in Epiphan., ad Hæres., LXIV, num. 21, pag. 260, 261.
  4. Athenagoras, pag. 227, et sequent.
  5. Suffrid. Petri in Athenagor. Apolog., pag. 318.
  6. Athenagoras, pag. 298.