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ATHÉNÉE.

juste qu’un édifice fait en faveur des savans portât le nom de cette déesse. Quelques-uns ont cru que c’était un temple qui lui était consacré ; mais Aurélius Victor ne nous en donne pas cette idée. Gymnasia, dit-il [1], en parlant de l’empereur Hadrien, doctoresque curare occœpit, adeò quidem ut etiam ludum ingenuarun artium quod Athenæum vocant, constitueret. Les autres historiens qui en parlent ne le représentent que comme un lieu à leçons, à déclamations, à lectures : Ad Athenæum audiendorum et græcorum et latinorum rhetorum vel poëtarum caussâ frequenter processit : c’est ainsi que Lampridius parle touchant Alexandre Sevère. On cite ce passage dans Calepin, peu après avoir débité que l’Athénée était consacré à Minerve, et que les poëtes et les autres écrivains grecs y apportaient leurs ouvrages, comme les écrivains latins apportaient les leurs dans le temple d’Apollon. Jugez par-là de l’exactitude de ceux qui ont composé, ou corrigé ce gros dictionnaire. Cruquius use du même partage ; il envoie les poëtes latins au temple d’Apollon, et les poëtes grecs dans le temple de Minerve, lequel il nomme Athénée [2]. Mais continuons à voir ce que les anciens ont dit du lieu en question. Cùm Pertinax eo die processionem quam ad Athenæum paraverat, ut audiret poëtam, ob sacrificii prœsagium distulisset [3]. Un autre dit que Gordien, qui fut empereur, avait déclamé dans l’Athénée : ubi adolevit, in Athenæo controversias declamavit [4]. Philostrate dit que le sophiste Adrien, qui tint le haut bout à Rome, n’avait pas plus tôt annoncé qu’il haranguerait, que les sénateurs, les chevaliers et tout le monde, accouraient à l’Athénée : Δρόμῳ ἐχώρουν ἐς τὸ Ἀθήναιον ὁρμῆς μεςοὶ [5]. Contento cursu et studio inflammato in Athenæum convolabant. Ajoutons encore ces paroles de saint Jérôme : Quandò omne Athenæum scholasticorum vocibus personabat [6] ; et celles-ci de Sidonius Apollinaris : Dignus omninò quem plausibilibus Roma foveret ulnis, quoque recitante crepitantis Athenæi subsellia cuneata quaterentur [7]. L’étymologie que Dion nous donne est une nouvelle raison contre ceux qui ont pris l’Athénée pour un temple de Minerve : il dit que ce lieu s’appelait ainsi, à cause des exercices des gens de lettres ἀρὸ τῆς ἐν αὺτῶ τῶν πεπαιδευμένων ἀσκήσεως [8]. Il nous apprend aussi que le consul assembla le sénat dans l’Athénée, lorsqu’il eut su que les cohortes prétoriennes avaient arrêté les meurtriers de Pertinax. L’objection qu’on pourrait tirer de ce que le sénat ne s’assemblait que dans des lieux consacrés par les augures ne balance nullement les raisons qui montrent que l’Athénée n’était point un temple de Pallas. Au reste, ceux qui disent que le premier lieu qui a été nommé Athénée était dans Athènes [9] auraient bien de la peine à le prouver. Le bon M. de Marolles se faisait de ce mot-là une idée beaucoup plus fausse, car il a dit dans sa traduction d’Aurélius Victor, qu’Hadrien fit venir des doctes et des gens de lettres de toutes parts, comme s’il eût voulu mettre Athènes dans Rome.

J’observerai par occasion que, dans la ville d’Alexandrie, c’était au temple des Muses, que les poëtes, les rhétoriciens et les grammairiens s’assemblaient pour faire montre de leur esprit : Ἀπάγει παρὰ τὸ τέμενος τῶν Μουσῶν, ἔνθα ποιηταὶ, καὶ ῥήτορες, καὶ τών γραμματιζῶν οἱ παῖδες ϕοιτῶντες, ποιοῦνται τὰς ἐπιδείξεις. Abducit ad Musarum templum, quò poëtæ, rhetores, grammatici ventitantes, præbent suorum ingeniorum specimina. C’est ainsi que parle de la pratique de son temps un auteur du VIe. siècle, je veux dire Zacharie de Mitylène, dans son livre De mundi opificio. Voyez la page 339 du onzième tome de la Bibliothéque des Pères, imprimée à Paris l’an 1644.

(B) Il fut bâti par l’empereur Hadrien. ] Je l’ai prouvé par le passage d’Aurélius Victor : ainsi Casaubon est très-bien fondé à se moquer de Théo-

  1. Aurelius Victor, in Hadriano.
  2. Cruquius, in Horat., Sat. X, lib. I.
  3. Julius Capitolin., in Pertinace.
  4. Capitolin., in Gordiano.
  5. Philostr., in Adriano.
  6. Hieron., de Obitu Paulinæ ad Pammach.
  7. Sidon. Apollin., Epist. XIV, lib. IX. Vide etiam Epist. IX ejusd. lib. et Epist. VIII, lib. IV.
  8. Xiphilin., in Didio Juliano, sub fin. Xilander traduit Ἀθήναιον par Templum Minervæ.
  9. Le Thesaurus Fabri, édition de 1692.