Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
67
ANCILLON.

cet article beaucoup plus long que je ne le fais ; car le livre dont je l’ai tiré contient beaucoup de détails ; mais comme c’est un ouvrage qu’il sera beaucoup plus facile de consulter, que de se pourvoir de ce Dictionnaire, j’ai trouvé plus à propos d’y renvoyer le lecteur, que d’en tirer beaucoup d’extraits [a]. J’en userais autrement, si je travaillais sur des mémoires manuscrits. Je ne m’arrêterai qu’à deux choses, dont l’une regarde la bibliothéque de feu M. Ancillon et sa manière d’étudier (D), et l’autre concerne les livres qu’il a donnés au public (E) ; et, quant au reste, je dirai en général que le discours qu’on a publié sur sa vie le représente comme une personne d’un mérite tout-à-fait extraordinaire. C’est à proprement parler l’idée d’un pasteur accompli [* 1]. On l’y voit savant, éloquent, sage, pieux, modeste, charitable, dispensant la censure avec douceur, ou avec vigueur, selon l’exigence des cas ; pratiquant ce qu’il prêchait [b], occupé uniquement des fonctions de son ministère (F), sans se mêler, comme tant d’autres, de ce qui n’est convenable qu’aux séculiers, ni tenir sa maison ouverte aux délateurs et aux nouvellistes (G). On ne saurait mieux connaître, que par l’écrit dont je parle ci-dessous, combien sa conversation était docte (H). Je discuterai en un autre lieu [c] quelques faits qui se rapportent à sa taille-douce. Je ne dois point passer sous silence qu’il était fils d’un habile jurisconsulte ; qu’un de ses ancêtres fut autrefois président au mortier dans une des principales cours souveraines de France [* 2] ; et que Georgin Ancillon, un des principaux membres de l’église de Metz, a été aussi un des premiers de ses fondateurs, et de ses conducteurs [d].

  1. * Crousaz nous apprend que ce portrait d’Ancillon est une satire contre Jurieu.
  2. * Le défaut de désignation de temps et de lieu, où cette charge aurait été exercée, est un motif de douter du fait, dit Leclerc.
  1. Il a pour titre, Discours sur la Vie de feu M. Ancillon, et ses dernières heures. Il a été imprimé à Bâle, en 1698, et contient 500 pages in-12.
  2. Voyez touchant le désordre qu’il y a à en user autrement, le même discours sur la vie de M. Ancillon, pag. 175 et suivantes.
  3. Dans la remarque (G) de l’article Ferri.
  4. Discours sur la vie de M. Ancillon, pag. 7.

(A) Il se maria très-avantageusement. ] La manière dont on ménagea cette affaire est fort curieuse : « Les principaux chefs de famille de l’église de Meaux voyant que leur ministre se distinguoit ainsi, et luy entendant dire quelquefois qu’il vouloit aller à Metz, pour voir son père et ses parens, qu’il n’avoit point vus depuis plusieurs années, craignirent qu’on ne le leur enlevât. Ils cherchèrent mille expédiens pour s’en assurer long-temps la jouissance ; le plus sûr, à leur avis, fut de le marier à un parti riche, digne de lui, et qui eût son bien dans le pays ou dans le voisinage. Quelqu’un se souvint d’avoir ouï dire que M. Ancillon ayant prêché un dimanche matin à Charenton, tout le monde généralement luy applaudit ; que M. Macaire surtout, qui estoit un vieillard vénérable, d’une vertu et d’une piété exemplaire, et possédant de grands biens à Paris et aux environs de Meaux, luy avoit donne mille bénédictions et mille louanges, et qu’il avoit dit assez haut à ceux qui estoient assis dans le temple auprès de lui, qu’il n’avoit qu’une fille, qui estoit son unique enfant, et