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ANDRÉ.

fuisse ; an filium ante, an post sacerdotium genuerit, incertum. Voilà comment M. Doujat en a parlé [1], après avoir lu Panzirole, qui décide hardiment [* 1] que Jean André vint au monde avant la prêtrise de son père : Is ex Andreâ presbytero, antequàm sacerdos fieret, et matre nomine Novellâ, genitus [2]. C’est une marque que M. Doujat ne comptait pas pour beaucoup, par rapport à un tel fait, la décision de Panzirole ; et de quel droit, je vous prie, ce dernier en serait-il cru plutôt que Volaterran, qui avait assuré tout le contraire ? Joannes Andreæ patre Andreâ presbytero et matre concubinâ natus apud Mugellum agri Florentini oppidum, juris scientiâ virtutibusque aliis natalium pudorem contexit [3]. Il avait dit formellement que Jean André naquit du concubinage d’un prêtre, et personne n’a osé dire que Novella ait jamais été mariée au père de Jean André. Il est donc indubitable, que pour le moins notre célèbre canoniste est né comme Érasme, hors de légitime mariage [* 2], d’un père qui a été prêtre. Il ne faut point s’imaginer que Forsterus dise que cet homme ne devint prêtre qu’après avoir fait cet enfant. Il ne veut dire, sinon que le père de Jean André fut prêtre dans le lieu de sa naissance : Patre Joanne Andreæ, cive initio, deindè Presbytero mugellano natus est [4].

(B) On dit des merveilles de l’austérité de sa vie. ] Voici un commentaire qui m’a été communiqué [5] : je n’y change rien : « Ce que vous remarquez de l’austérité de vie de Jean André est attesté par de bons auteurs. Cependant, si le conte que fait de lui Poge dans ses Facéties, est vrai, il y a lieu de croire que dans la suite ce docteur se relâcha bien de sa première continence, Joannem Andream, dit Poge, doctorem bononiensem, cujus fama admodùm vulgata est, subagitantem ancillam domesticam uxor deprehendit. Re insuetâ stupefacta mulier in virum versa : Ubi nunc, ait, Joannes, est sapientia vestra ? Ille, nil ampliùs locutus : In vulvâ istius, respondit, loco admodùm sapientiæ accommodato. La traduction en vers français n’en déplaira peut-être pas.

« Jean dit André, fameux docteur és loix,
» Fut pris un jour au péché d’amourette :
» Il accollait une jeune soubrette.
» Sa femme vint, fit un signe de croix.
» Ho, ho, dit-elle, est-ce vous ? non, je pense :
» Vous, dont partout on vante la prudence !
» Qu’est devenu cet esprit si subtil ?
» Le bon André, poursuivant son négoce,
» Honteux pourtant : ma foi, répondit-il,
» Prudence, esprit, tout gist dans cette fosse [* 3]. »


Puisqu’on demeure d’accord que Jean André eut un bâtard, ce récit est quant au fond assez vraisemblable, et ce fut peut-être avec la mère de Banicontius que sa femme le trouva ; si cela était, on le pourrait mettre dans la liste du Ménagiana [6].

(C) Il envoyait sa fille faire leçon en sa place. ] Je n’ai trouvé ce fait, ni dans Forsterus, ni dans Panzirole, ni dans M. Doujat ; mais dans la Cité des Dames de Christine de Pise. Ce livre fut imprimé à Paris, l’an 1536, et avait été composé sous le règne de Charles VI. Écoutons parler cette Christine en son vieux gaulois : Pareillement, à parler de plus nouveaux tems, sans guerre les anciennes histoires, Jehan Andry, solemnel légiste à Bologne la Grasse, n’a mie soixante ans, n’estoit pas d’opinion que mal fust que femmes fussent lettrées. Quant à sa belle et bonne fille, que il tant ama, qui ot nom Nouvelle, fit apprendre lettres, et si avant ès lois, que quand il estoit occupé d’aucune essoine, pourquoi il ne pouvoit vac-

  1. * Joly rapporte une phrase de Panzirole qui, loin de décider la naissance d’André antérieure à la prêtrise de son père, laisse de grands doutes à ce sujet. Sur cette question délicate, Bayle aura donc été plus retenu que son critique.
  2. * Leclerc transcrit un long passage d’André qui raconte qu’il avait huit ans quand son père reçut la prêtrise. Il était tout naturel dans le temps de nier sa bâtardise. Le récit d’André sur une affaire qui le concerne de si près peut donc fort bien ne pas avoir un grand poids.
  3. * « Ceci, dit Leduchat, a été exprimé plus crûment dans la XVIIe. des Cent nouvelles nouvelles, qui contient la même aventure du docteur J. André, sous le nom d’un président de la chambre des comptes de Paris. »
  1. Prænot. Canonic., pag. 604.
  2. Panzirol., de clar. Legum Interpretib., lib. III, cap. XIX, init.
  3. Volater., lib. XXI, pag. 781.
  4. Forster., Histor. Juris Civil., lib. III, cap. XXVI.
  5. Par M. de la Monnaie.
  6. Voyez la remarque (E) de l’article Briseïs.