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PRÉFACE

étaient fondés sur le peu d’honneur que l’on acquiert en paraissant à la tête d’un gros ouvrage de compilation, qu’ils appelleront Égout de recueils, rapsodie de copiste, etc. De tous les emplois, diront-ils, que l’on puisse avoir dans la république des lettres, il n’y en a point de plus méprisable que celui des compilateurs : ils sont les portefaix des grands hommes, À la vérité ils ne sont pas inutiles : Telles gens, disait Scaliger [1], sont les crocheteurs des hommes doctes qui nous amassent tout : cela nous sert de beaucoup ; il faut qu’il y ait de telles gens. Mais les métiers les plus vils ne sont-ils pas nécessaires ? et l’utilité qu’ils apportent les tire-t-elle de leur bassesse ? Il y a donc plus de vanité que de modestie à ne vouloir point passer pour un auteur porte-faix, et à vouloir sortir de la classe des écrivains dont les productions ne sont pas tant un travail d’esprit qu’un travail de corps, et qui portent leur cervelle sur leurs épaules. Les médisans croiront ce qu’il leur plaira ; ce n’est point contre eux qu’il faut raisonner. Je dirai donc seulement que ce n’est point par inconstance, mais pour obéir à l’autorité souveraine, que je fais ce que j’ai dit si souvent que je ne voulais point faire. On a trouvé à propos, pour apaiser le différent de quelques libraires, que je me nommasse. Sans cela, le sieur Reinier Leers n’eût pu obtenir le privilége dont il avait, à ce qu’ils a cru, un besoin indispensable. J’obéis donc aveuglément. Je n’aurais donc point à craindre le tribunal même du redoutable Caton le Censeur [2].

Il me reste à dire un mot sur mon errata, et sur deux ou trois autres petites choses.

Je comprends sous le mot d’errata mes additions et mes corrections. S’il était complet, il contiendrait plus de pages qu’il n’en contient. Je n’impute pas tout aux imprimeurs, quelque grand que sait l’exercice qu’ils donnent à notre patience, surtout lorsqu’ils ne corrigent point tout ce qu’on leur marque à la marge des épreuves. J’ai éprouvé là-dessus la fatalité du métier, et je l’oublie autant que je puis, animus meminisse horret. Je me charge néanmoins d’une partie du fardeau ; mais je supplie ceux qui me voudront critiquer de prendre bien garde à mon errata. Je les supplie aussi, quand ils trouveront quelque chose qui leur paraîtra mauvaise, de voir si elle n’est pas dans les auteurs que je cite ; car si mes traductions ne sont pas de mot à mot, elles sont du moins fidèles à l’égard du sens : elles doivent donc contenir une irrégularité lorsque mes auteurs ont parlé ou pensé confusément.

Si quelques-uns croient qu’ils ont été critiqués mal à propos dans ce dictionnaire, et s’ils publient pour leur justification

  1. In Scaligeranis, voce Du Maine, p. m. 148.
  2. Ποςούμιον Ἀλϐῖνον, ἱςορίαν Ἐλληνιςὶ γράψαντα, καί συγγνώμην αἰτούμενον ἐπέσκωψεν, εἰπὼν δοτέον εἶναι τὴν συγγνώμην εἰ τῶν Ἀμϕικτυόνων ψηϕισαμένων ἀναγκασθεὶς ὑπέμεινε τὸ ἔργον. Posthumium Albinums qui Historias scripserat græcè, veniam petentem irrisit, dandam dicens, si illud opus Amphictyonum decreto subactus assumpsisset. Plut. in Catone Majore, pag. 343, B.