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Page:Beaume - Le château vert, 1935.pdf/87

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le château vert

Elles s’avancèrent franchement, et, à cinq pas de Thérèse, elles s’arrêtèrent, par discrétion, et non sans quelque ironie. Thérèse, à leur vue, eut un moment de désarroi, les yeux grands ouverts, les bras ballants.

— Eh bien ! petite, il me semble que tu as la langue bien pendue, ce matin !

Tandis que l’employée décampait, rouge de confusion, Thérèse fit un pas vers la mère de Philippe, salua du front Mariette.

— Tu ne m’embrasses plus, petite ?

Thérèse, sans effusion, embrassa la grosse dame, qui lui était toujours indulgente.

— Tu peux également embrasser la fiancée de Philippe.

— Je n’osais pas.

— En voilà des manières ! et qui ne me plaisent guère.

Thérèse obéit aussitôt, soucieuse de ne point briser l’amitié des Ravin. Elle baisa doucement les joues fraîches de Mariette, qui certes n’eut point de peine à sentir son animosité. Déjà Mme Ravin ajoutait :

— Pourquoi, Thérèse, ne te voit-on plus à la maison ?

— Il y a tant d’ouvrage au Château ! Papa a été fatigué. Aussi, c’est moi qui ai dû venir à Agde pour régler quelques affaires. Et chez vous, ça va bien ?

— Comme tu vois. Je suis la plus malade. Alors, tu viendras nous dire bonjour à la maison ?… déjeuner si tu veux ?

— Je viendrai, si j’ai le temps.

— Quand on veut, on trouve toujours le temps.

— Pas toujours.

— Viendras-tu au moins à notre dîner de fiançailles ? Nous comptons sur vous tous.

Thérèse baissa les yeux une seconde. Allait-elle commettre un mensonge. Bah ! qu’importait un mensonge de plus ou de moins !… Alors, devant Minette, avec l’intention de lui montrer un pou de bonne grâce elle préféra mentir bravement, afin de se délivrer de son anxiété.

— Nous viendrons tous au diner de fiançailles.

— Philippe sera si content !… As-tu fini tes achats ?

— J’allais sortir.

— Eh bien, à tout à l’heure.