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VATHEK,

répare tes impiétés par une vie exemplaire, & au lieu de passer tes jours dans les voluptés, va pleurer tes crimes sur les tombeaux de tes pieux ancêtres ! Vois-tu ces nuages qui te cachent le soleil ? Au moment que cet astre reparoîtra, si ton cœur n’est pas changé, le tems de la miséricorde sera passé pour toi.

Vathek, saisi de crainte & chancelant, étoit sur le point de se prosterner devant le berger qu’il sentit bien devoir être d’une nature supérieure à l’homme ; mais son orgueil l’emporta, & levant audacieusement la tête, il lui lança un de ses terribles regards. Qui que tu sois, lui dit-il, cesse de me donner d’inutiles avis. Ou tu veux me tromper, ou tu te trompes toi-même : si ce que j’ai fait est aussi criminel que tu le prétends, il ne sauroit y avoir pour moi un moment de grace : j’ai nagé dans une mer de sang pour arriver à une puissance qui fera trembler tes semblables ; ne te flatte donc pas que je recule à la vue du port, ni que je quitte celle qui m’est plus chère que la vie & que ta miséricorde. Que le soleil reparoisse, qu’il éclaire ma carrière, que m’importe où elle finira ! En disant ces mots, qui firent frémir le Génie lui-même, Vathek se précipita dans les bras de Nouronihar, & commanda