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CONTE ARABE

bruit n’interrompoit le silence de ces lieux lugubres. Une rangée de vases d’airain, entouroit l’estrade. Ôte les couvercles de ces dépôts cabalistiques, dit le Giaour à Vathek ; prends les talismans qui briseront toutes ces portes de bronze, & te rendront le maître des trésors qu’elles renferment & des Esprits qui en ont la garde.

Le Calife, que cet appareil sinistre avoit entiérement déconcerté, s’approcha des vases en chancelant, & pensa expirer de terreur, quand il entendit les gémissemens de Suleïman, que dans son trouble il avoit pris pour un cadavre. Alors, une voix sortant de la bouche livide du prophète, articula ces mots : Pendant ma vie, j’occupai un trône magnifique. À ma droite étoient douze mille siéges d’or, où les patriarches & les prophètes écoutoient ma doctrine ; à ma gauche, les sages & les docteurs, sur autant de trônes d’argent, assistoient à mes jugemens. Tandis que je rendois ainsi justice à des multitudes innombrables, les oiseaux voltigeant sans cesse sur ma tête, me servoient de dais contre les ardeurs du soleil. Mon peuple fleurissoit ; mes palais s’élevoient jusqu’aux nues : je bâtis un temple au Très-Haut, qui fut la merveille de l’univers : mais je me laissai lâchement entraîner par l’amour