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que la révolte frivole et pittoresque de quelques exaltées.

La brillante avocate des revendications féminines se ressentait de cet état d’esprit. Elle éprouvait, de ces résistances masculines, une irritation dont son œuvre porte la trace. Blessée dans l’orgueil de son sexe par les ironies des sots, elle releva le gant, et de philosophe se fit frondeuse. Prompte à la riposte, alerte et primesautière, de raison éclairée et sobre, mais habile à revêtir ses arguments sages et pondérés, des parures de son esprit élégant. Sa logique se ressent de la fièvre de ces escarmouches et porte ainsi en quelque sorte, sa date.

Différent sans doute (quoique au fond équivalent) eût été son féminisme d’aujourd’hui, après tant de chemin parcouru que l’on peut escompter, comme acquise, dans un avenir plus ou moins proche, la totalité des espérances que les plus audacieuses osaient à peine concevoir. Mais pour n’être pas moins exactement semblable, son féminisme eût-il été plus convaincant, plus démonstratif, de raison plus savoureuse, de dialectique plus serrée, de logique plus irréfutable ? La chaleur et la vivacité de la lutte contre ce que la vaillante conférencière croyait l’hostilité de l’homme, et mème, écueil plus redoutable, contre l’apathie certaine de la femme, ne sont-elles pas pour prêter à son langage un tour qui ne le rend que plus séduisant, — fut-ce aux yeux de ces rivaux masculins, accusés de tenir en servage un sexe qui, cependant, ne les fera vraiment libres que lorsqu’il sera lui-même émancipé.

Les plus éminentes qualités de Maria Deraismes se rencontrent dans ce livre, si mûri, si réfléchi, en dépit de son allure d’avant-garde, et qui est intitulé Ève dans