Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/46

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six pages au moins. De telle sorte qu’il était la terreur des « Cinqualbres » qui, avant l’apparition du livre, avaient dépensé déjà en corrections tout le prix éventuel de l’édition épuisée.

— Comment peux-tu travailler, me disait-il, entre ces tableaux et devant une glace ? C’est bon pour les orateurs, ou l’art oratoire, qui est à contre-sens du nôtre. Mais conduire une bonne phrase d’écriture, autrement qu’entre quatre murs nus et blanchis à la chaux, comme une cellule de moine, moi je ne pourrais pas !

— Les tableaux, je ne les regarde pas. La glace, je ne m’y regarde pas. Voilà !

— Oui, mais on t’y regarde !

On atteint peu le public par une telle minutie de ciseleur sur ivoire chinois ou nipponais, et Cladel vendait peu, c’est incontestable. L’une de mes taquineries était de lui demander s’il était lu par les cadurciens de son Tarn-et-Garonne. — Es-tu au moins populaire chez toi, comme Mistral en Provence, car alors, pour qui écris-tu ? — Est-ce qu’on sait pour qui on écrit, s’écriait-il en levant les bras et il s’en allait maudissant mon esprit de blague.

Il va sans dire que Catulle, expert en personnalités de bon aloi littéraire, l’avait enrôlé l’un des premiers dans la phalange du Parnasse, et à côté de ce magnifique Villiers de l’Isle-Adam, dont on commence enfin à admettre le génie. De pareils prosateurs valent les meilleurs poètes, et ils marchent de pair avec eux à ce pays de palinodie où rayonne le jardin de gloire.

Il me l’avait amené un matin, en camarade, et sans autre cérémonie pour me demander un service. Mais