Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/188

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ceau de bois de forme plus ou moins bizarre : c’est une « force oblique ». La tour est une certaine puissance de « marcher en ligne droite », le cavalier « une pièce qui équivaut à peu près à trois pions et qui se meut selon une loi toute particulière », etc. Voilà pour les pièces. Voici maintenant pour la partie. Ce qui est présent à l’esprit du joueur, c’est une composition de forces, ou mieux une relation entre puissances alliées ou hostiles. Le joueur refait mentalement l’histoire de la partie depuis le début. Il reconstitue les événements successifs qui ont amené la situation actuelle. Il obtient ainsi une représentation du tout qui lui permet, à un moment quelconque, de visualiser les éléments. Cette représentation abstraite est d’ailleurs une. Elle implique une pénétration réciproque de tous les éléments les uns dans les autres. Ce qui le prouve, c’est que chaque partie apparaît au joueur avec une physionomie qui lui est propre. Elle lui donne une impression sui generis. « Je la saisis comme le musicien saisit dans son ensemble un accord », dit un des personnages consultés. Et c’est justement cette différence de physionomie qui permet de retenir plusieurs parties sans les confondre entre elles. Donc, ici encore, il y a un schéma représentatif du tout, et ce schéma n’est ni un extrait, ni un résumé. Il est aussi complet que le sera l’image une fois ressuscitée, mais il contient à l’état d’implication réciproque ce que l’image développera en parties extérieures les unes aux autres.

Analysez votre effort quand vous évoquez avec peine un souvenir simple. Vous partez d’une représentation où vous sentez que sont donnés l’un dans l’autre des éléments dynamiques très différents. Cette implication