Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/191

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et plus ou moins indépendants les uns des autres. Quand nous laissons notre mémoire errer au hasard, sans effort, les images succèdent aux images, toutes situées sur un même plan de conscience. Au contraire, dès que nous faisons effort pour nous souvenir, il semble que nous nous ramassions à un étage supérieur pour descendre ensuite progressivement vers les images à évoquer. Si, dans le premier cas, associant des images à des images, nous nous mouvions d’un mouvement que nous appellerons par exemple horizontal, sur un plan unique, il faudra dire que dans le second cas le mouvement est vertical, et qu’il nous fait passer d’un plan à un autre. Dans le premier cas, les images sont homogènes entre elles, mais représentatives d’objets différents ; dans le second, c’est un seul et même objet qui est représenté à tous les moments de l’opération, mais il l’est différemment, par des états intellectuels hétérogènes entre eux, tantôt schémas et tantôt images, le schéma tendant vers l’image à mesure que le mouvement de descente s’accentue. Enfin chacun de nous a le sentiment bien net d’une opération qui se poursuivrait en extension et en superficie dans un cas, en intensité et en profondeur dans l’autre.

Il est rare, d’ailleurs, que les deux opérations s’accomplissent isolément et qu’on les trouve à l’état pur. La plupart des actes de rappel comprennent à la fois une descente du schéma vers l’image et une promenade parmi les images elles-mêmes. Mais cela revient à dire, comme nous l’indiquions au début de cette étude, qu’un acte de mémoire renferme d’ordinaire une part d’effort et une part d’automatisme. Je pense en ce moment à un long voyage que je fis autrefois. Les incidents de ce voyage