Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa rigueur l’hypothèse d’un parallélisme constant entre les états du corps et ceux de l’âme, du moins s’abstinrent-ils de faire de l’âme un simple reflet du corps ; ils auraient aussi bien dit que le corps était un reflet de l’âme. Mais ils avaient préparé les voies à un cartésianisme diminué, étriqué, d’après lequel la vie mentale ne serait qu’un aspect de la vie cérébrale, la prétendue « âme » se réduisant à l’ensemble de certains phénomènes cérébraux auxquels la conscience se surajouterait comme une lueur phosphorescente. De fait, à travers tout le XVIIIe siècle, nous pouvons suivre à la trace cette simplifica­tion progressive de la métaphysique cartésienne. À mesure qu’elle se rétrécit, elle s’infiltre davantage dans une physiologie qui, naturellement, y trouve une philosophie très propre à lui donner cette confiance en elle-même dont elle a besoin. Et c’est ainsi que des philosophes tels que Lamettrie, Helvétius, Charles Bonnet, Cabanis, dont les attaches avec le cartésianisme sont bien connues, ont apporté à la science du XIXe siècle ce qu’elle pouvait le mieux utiliser de la métaphysique du XVIIe. Alors, que des savants qui philosophent aujourd’hui sur la relation du psychique au physique se rallient à l’hypothèse du parallélisme, cela se comprend : les métaphysiciens ne leur ont guère fourni autre chose. Qu’ils préfèrent même la doctrine paralléliste à toutes celles qu’on pourrait obtenir par la même méthode de construction a priori, je l’admets encore : ils trouvent dans cette philosophie un encouragement à aller de l’avant. Mais que tel ou tel d’entre eux vienne nous dire que c’est là de la science, que c’est l’expérience qui nous révèle un parallélisme rigoureux et complet entre la vie cérébrale