Page:Berlioz - Mémoires, 1870.djvu/141

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avait, et qui le mirent à la porte quand il n’eut plus rien à leur donner. Vous voyez qu’il y a peu de rois...

— Ne parlons pas du roi !... Vous entendez par ce mot instrumentation ?...

— C’est un terme de musique.

— Toujours ce prétexte ! Je sais très-bien, monsieur, qu’on ne compose pas ainsi de la musique sans piano, seulement avec un album et un crayon, en marchant silencieusement sur les grèves ! Ainsi donc, veuillez me dire où vous comptez aller, on va vous rendre votre passe-port ; vous ne pouvez rester à Nice plus longtemps.

— Alors, je retournerai à Rome, en composant encore sans piano, avec votre permission.

Ainsi fut fait. Je quittai Nice le lendemain, fort contre mon gré, il est vrai, mais le cœur léger et plein d’allegria, et bien vivant et bien guéri. Et c’est ainsi qu’une fois encore on a vu des pistolets chargés qui ne sont pas partis.

C’est égal, je crois que ma petite comédie avait un certain intérêt, et c’est vraiment dommage qu’elle n’ait pas été représentée.


XXXV


Les théâtres de Gênes et de Florence. — I Montecchi ed i Capuletti de Bellini. — Roméo joué par une femme. — La Vestale de Paccini. — Licinius joué par une femme. L’organiste de Florence. — La fête del Corpus Domini — Je rentre à l’Académie.


En repassant à Gênes, j’allai entendre l’Agnese de Paër. Cet opéra fut célèbre à l’époque de transition crépusculaire qui précéda le lever de Rossini.

L’impression de froid ennui dont il m’accabla tenait sans doute à la détestable exécution qui en paralysait les beautés. Je remarquai d’abord que, suivant la louable habitude de certaines gens qui, bien qu’incapables de rien faire, se croient appelées à tout refaire ou retoucher, et qui de leur coup d’œil d’aigle aperçoivent