Page:Berlioz - Mémoires, 1870.djvu/321

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toutes les autres académies semblables existant en Allemagne, elle se compose presque entièrement d’amateurs ; mais plusieurs artistes, hommes et femmes, attachés aux théâtres en font partie également ; et les dames du grand monde ne croient point déroger en chantant un oratorio de Bach à côté de Mantius, de Bœticher ou de mademoiselle Hähnel. — La plupart des chanteurs de l’Académie de Berlin sont musiciens, et presque tous ont des voix fraîches et sonores ; les soprani et les basses surtout m’ont paru excellents. Les répétitions, en outre, se font patiemment et longuement sous la direction habile de M. Rungenhagen ; aussi les résultats obtenus, quand une grande œuvre est soumise au public, sont-ils magnifiques et hors de toute comparaison avec ce que nous pouvons entendre en ce genre à Paris.

Le jour où, sur l’invitation du directeur, je suis allé à l’Académie de chant, on exécutait la Passion de Sébastien Bach. Cette partition célèbre que vous avez lue sans doute, est écrite pour deux chœurs et deux orchestres. Les chanteurs, au nombre de trois cents au moins, étaient disposés sur les gradins d’un vaste amphithéâtre absolument semblable à celui que nous avons au Jardin des Plantes, dans la salle des cours de chimie ; un espace de trois ou quatre pieds seulement séparait les deux chœurs. Les deux orchestres, peu nombreux, accompagnaient les voix du haut des derniers gradins, derrière les chœurs, et se trouvaient en conséquence assez éloignés du maître de chapelle, placé en bas sur le devant et à côté du piano. Ce n’est pas piano, c’est clavecin qu’il faudrait dire ; car il a presque le son des misérables instruments de ce nom, dont on se servait au temps de Bach. Je ne sais si on fait un pareil choix à dessein, mais j’ai remarqué dans les écoles de chant, dans les foyers des théâtres, partout où il s’agit d’accompagner les voix, que le piano destiné à cet usage est toujours le plus détestable qu’on a pu trouver. Celui dont se servait Mendelssohn à Leipzig dans la salle du Gewand-Haus fait seul exception.

Vous allez me demander ce que le piano-clavecin peut avoir à faire pendant l’exécution d’un ouvrage dans lequel l’auteur n’a point employé cet instrument ! Il accompagne en même temps que les flûtes, hautbois, violons et basses, et sert probablement à maintenir au diapason les premiers rangs du chœur qui sont censés ne pas bien entendre dans les tutti l’orchestre trop éloigné d’eux. En tout cas c’est l’habitude. Le clapotement continuel des accords plaqués sur ce mauvais clavier produit bien un assommant effet en répandant sur l’ensemble une couche superflue de monotonie ; mais raison de plus, sans doute pour n’en pas démordre. C’est si sacré un vieil usage, quand il est mauvais !

Les chanteurs sont tous assis pendant les silences, et se lèvent au moment de chanter. Il y a, je pense, un véritable avantage pour la bonne émission de la voix à chanter debout, il est malheureux seulement que les choristes, cédant