Page:Berlioz - Mémoires, 1870.djvu/398

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Si un conservatoire est un établissement destiné à conserver toutes les parties de l’art musical et les connaissances qui s’y rattachent directement, il est étrange qu’on ne soit pas encore parvenu, même dans celui de Paris, à réaliser un semblable programme. Pendant longtemps notre école instrumentale ne possédait point de classes pour l’étude des instruments les plus indispensables, tels que la contre-basse, le trombone, la trompette et la harpe. Depuis quelques années ces lacunes sont comblées. Il en reste malheureusement beaucoup d’autres, et je vais les signaler. Mes observations à ce sujet feront jeter les hauts cris à beaucoup de gens ; on les trouvera folles, ridicules, absurdes... je l’espère du moins. Je dirai donc :

1º L’étude du violon n’est pas complète ; on n’enseigne pas aux élèves le pizzicato ; d’où il résulte qu’une foule de passages arpégés sur les quatre cordes, ou martelés avec deux ou trois doigts sur la même corde, dans un mouvement vif, passages et arpéges parfaitement praticables, puisque les joueurs de guitare les exécutent (sur le violon), sont déclarés impossibles par les violonistes, et, par suite, interdits aux compositeurs. Il est probable que dans cinquante ans quelque directeur aura poussé la hardiesse jusqu’à exiger l’enseignement du pizzicato dans les classes du violon. Alors les artistes, maîtres d’en tirer les effets neufs et piquants qu’on en peut attendre, se moqueront de nos violonistes du siècle dernier qui criaient : Gare l’ut !» et ils auront raison. L’emploi des sons harmoniques n’est pas non plus étudié d’une manière officielle et complète. Le peu que nos jeunes violonistes savent à cet égard, ils l’ont appris seuls depuis l’apparition de Paganini.

2º Il est fâcheux qu’on n’ait point de classe spéciale d’alto. Malgré sa parenté avec le violon, cet instrument, pour être bien joué, a besoin d’études qui lui soient propres et d’une pratique constante. C’est un déplorable, vieux et ridicule préjugé qui a fait confier jusqu’à présent l’exécution des parties d’alto à des violonistes de seconde ou de troisième force. Quand un violon est médiocre, on dit : Il fera un bon alto. Raisonnement faux au point de vue de la musique moderne, qui (chez les grands maîtres au moins) n’admet plus dans l’orchestre de parties de remplissage, mais donne à toutes un intérêt relatif aux effets qu’il s’agit de produire, et ne reconnaît point que les unes soient à l’égard des autres dans un état d’infériorité.

3º On avait eu grand tort jusqu’ici de ne point enseigner le cor de basset dans les classes de clarinette. Il en résultait cette conséquence ridiculement désastreuse qu’une foule de morceaux de Mozart ne pouvaient être (en France) exécutés intégralement. Aujourd’hui les perfectionnements apportés par Adolphe Sax à la clarinette-basse la rendant propre à exécuter tout ce qu’on a pu écrire pour le cor de basset, et plus encore, puisque son étendue au grave dépasse