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exemples de critique expérimentale physiologique.

de ce que l’éther dissolvait l’huile qui graissait le piston de la seringue avec laquelle je l’injectais dans l’estomac ; de sorte qu’en injectant l’éther avec une pipette de verre au lieu d’une seringue, il n’y avait plus de chylifères. C’est donc l’irrationalisme du fait qui m’a conduit à voir à priori qu’il devait être faux et qu’il ne pouvait servir de base à un raisonnement scientifique. Sans cela, je n’aurais pas trouvé cette singulière cause d’erreur, qui résidait dans le piston d’une seringue. Mais cette cause d’erreur reconnue, tout s’expliqua, et le fait devient rationnel, en ce sens que les chylifères s’étaient produits là par l’absorption de la graisse, comme toujours ; seulement l’éther activait cette absorption et rendait le phénomène plus apparent.

Deuxième exemple. — Il avait été vu par des expérimentateurs habiles et exacts[1] que le venin du crapaud empoisonne très rapidement les grenouilles et d’autres animaux, tandis qu’il n’a aucun effet sur le crapaud lui-même. En effet, voici l’expérience bien simple qui semble le prouver : si l’on prend sur le bout d’une lancette du venin des parotides d’un crapaud de nos contrées et qu’on insinue ce venin sous la peau d’une grenouille ou d’un oiseau, on voit bientôt périr ces animaux, tandis que, si l’on a introduit la même quantité de venin sous la peau d’un crapaud à peu près du même volume, ce dernier n’en meurt pas et n’en éprouve même aucun effet. C’est là encore un fait

  1. Vulpian, Comptes rendus et Mémoires de la Société de biologie, 1854, p. 133 ; 1856, p. 125 ; 1858, 2e série, t. V, Paris, 1859, p. 113 ; 1864.