Page:Bernard - Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Baillière, 1865.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
316
applications de la méthode expérimentale.

brut qui ne pouvait devenir scientifique qu’à la condition de savoir comment ce venin agit sur la grenouille et pourquoi ce venin n’agit pas sur le crapaud. Il fallait nécessairement pour cela étudier le mécanisme de la mort, car il aurait pu se rencontrer des circonstances particulières qui eussent expliqué la différence des résultats sur la grenouille et sur le crapaud. C’est ainsi qu’il y a une disposition particulière des naseaux et de l’épiglotte qui explique très bien par exemple pourquoi la section des deux faciaux est mortelle chez le cheval et ne l’est pas chez les autres animaux. Mais ce fait exceptionnel reste néanmoins rationnel ; il confirme la règle, comme on dit, en ce qu’il ne change rien au fond de la paralysie nerveuse qui est identique chez tous les animaux. Il n’en fut pas ainsi pour le cas qui nous occupe ; l’étude du mécanisme de la mort par le venin de crapaud amena à cette conclusion, que le venin de crapaud tue en arrêtant le cœur des grenouilles, tandis qu’il n’agit pas sur le cœur du crapaud. Or, pour être logique, il fallait nécessairement admettre que les fibres musculaires du cœur du crapaud sont d’une autre nature que celles du cœur de la grenouille, puisqu’un poison qui agit sur les unes n’agit pas sur les autres. Cela devenait impossible ; car admettre que des éléments organiques identiques quant à leur structure et à leurs propriétés physiologiques, cessent d’être identiques devant une action toxique identique, ce serait prouver qu’il n’y a pas de déterminisme nécessaire dans les phénomènes, et dès lors la science se trouverait niée par ce fait. C’est en vertu de ces idées que j’ai repoussé