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temporaine ; il avait nagé dans la scolastique ; la faculté d’ergoter n’en aurait certes pas fait un poète ; mais du dialecticien à outrance pouvait jaillir un poète ardent et critique possédant à froid tous les secrets de l’hendécasyllabe et ayant porté la terzina toscane à son dernier degré de perfection : c’est ce qui a eu lieu. Voilà donc deux des plus grands poètes de tous les âges qui étaient tout aussi capables, de par la tournure de leurs études, du moins, de « rechercher les lois historiques et philosophiques de la versification » que M. Francis Vielé-Griffin. Non, M. A. France n’ignore rien de tout cela, car c’est une bibliothèque vivante ; pourquoi donc nous oblige-t-il, nous expose-t-il à lui rappeler ce qu’il sait si bien ?

Jusqu’ici, M. A. France et moi, nous cheminions, que si que mi, bras dessus bras dessous ; me voilà obligé, à mon vif regret, de prendre congé de lui, car ma bifurcation s’accentuera d’autant plus que j’avancerai davantage.

M. A. France déclare la « versification française purement empirique en beaucoup de ses parties ». Il retrace, en traits rapides, la marche du vers depuis Rutebœuf jusqu’à la Renaissance ; il dresse une petite statistique des divers mécanismes de ce vers qui se sont succédé en se détruisant les uns les autres : puis il s’arrête, consterné, quasi effaré au bout de cette course, comme si le pied lui manquait, et le fil conducteur avec. Mais comment M. A. France n’a-t-il pas aperçu que les faits qu’il recueille, chemin faisant, vont justement à l’encontre de sa thèse ? Voyez plutôt. La rime, la grande nouveauté fondamentale, germe déjà dans le Dies iræ : patience ! L’oreille en prend l’habitude, et quand le latin sera bien mort, cette rime murmurée par le père agonisant passera sur les lèvres balbutiantes