Page:Bibesco - La Question du vers français, 1896, éd3.djvu/18

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monstruosités ; le système sent, voit, dégage, s’assimile les éléments organiques et organisables, élimine les éléments réfractaires. Et si le vers français, même au bout de quatre siècles, reste encore debout ; si malgré ses lacunes, ses défauts, ses tares léguées forcément par le va-et-vient et les luttes de l’époque d’incubation, ce vers demeure encore si intact en ses parties essentielles, si vivace, tel quel, si riche, si tentant et si méritant par ses pièges et ses difficultés mêmes, si bien moulé pour les conceptions futures tout comme il l’a été pour les idées passées, — c’est que, loin de marcher à l’aveuglette et de trébucher en empirique, il a cheminé ferme en évolutionniste. La seule différence entre les chantres des vieux âges et les modernes, c’est que chez Homère, ou l’auteur des Niebelungen, le système est inconscient ; tandis qu’un Virgile, un Dante, un Milton avaient pleine conscience, en maniant l’hexamètre, l’hendécasyllabe, le ïambique blanc, des effets produits et à produire. Et je n’examine pas, même en passant, si ces derniers poètes, que les pédants d’Outre-Rhin dédaignent en faveur de leurs grossières rhapsodies épiques, ne sont pas, pour le moins, égaux aux vieux aèdes naïfs, fût-ce aux plus grands d’entre ceux-ci.