Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/153

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toire ? Une déception anticipée, c’est l’espérance. Un commencement de défaite, nous l’appelons un triomphe. Il y a durée dans les édifices : il y a perpétuité, seulement dans les ruines. Que la tyrannie s’exerce par la superstition, par le glaive ou par l’or ; qu’elle se nomme influence du clergé, régime féodal, ou règne de la bourgeoisie, qu’importe à cette mère qui pleure sur le fruit de ses entrailles ? qu’importe à ce vieillard qui n’a connu ni le repos ni l’amour, et qui, sur le grabat où il meurt, emploie son dernier soupir à maudire la vie ? Esclave, serf ou prolétaire, celui qui souffre depuis le berceau jusqu’à la tombe, trouvera-t-il dans les qualifications changeantes d’une infortune qui ne change point, des motifs suffisants pour absoudre la Providence ?

Ah ! gardons-nous de toute parole impie. L’ensemble des choses nous échappe : c’est assez pour que le blasphème nous soit interdit. Nous ignorons la conséquence dernière de ce que nous appelons un mal : ne parlons pas d’efforts humains sans résultat. Nous condamnerions peut-être comme absurde le cours des fleuves, si nous ne connaissions pas l’océan.

Il semble, au reste, que le bien se trouve toujours au fond des choses, à côté du mal, comme pour le détruire insensiblement et l’absorber. Tout n’est pas à blâmer dans l’œuvre du libéralisme, sous la Restauration. Quoiqu’on général égoïste, la bourgeoisie eut ses héros, elle eut ses martyrs ; et les dévoue-