Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/39

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la Providence les faisait pour elle. Et plus je songe à la petitesse des incidents dont se compose l’épopée de l’Empire vaincu, plus je me persuade que ceux qui ont écrit cette histoire ont pris les occasions pour des causes, et ont expliqué par des riens pompeux ce qui n’admettait d’autre explication légitime que les nécessités de la marche victorieuse de la bourgeoisie dans l’histoire, depuis l’abolition du régime féodal.

Et, par exemple, n’a-t-on pas écrit et n’a-t-on pas feint de croire que, sans la défection du duc de Raguse à Essone, les destinées de la France auraient pris un autre cours ? Mais, d’abord, la vérité a-t-elle été dite sur cette défection ? Qu’on nous permette ici de dégager la logique de l’histoire de quelques faits dont on l’a mal à propos obscurcie[1].

Napoléon était à Fontainebleau, rêvant encore aux moyens de conjurer un dernier malheur, quand le prince de Tarente lui montra une lettre qu’il venait de recevoir décachetée. Elle était du général Beurnonville, membre du gouvernement provisoire. Remise, d’abord, au duc de Raguse, qui l’avait lue, elle contenait de vifs encouragements à la défection. A la lecture de cette lettre, Napoléon sentit redoubler son découragement. On lui parla d’abdiquer en faveur de son fils, sans que l’orgueil de son âme en parut trop profondément blessé. L’immensité de son

  1. Le récit qu’on va lire s’appuie sur des renseignements fournis par le maréchal Macdonald, et mis à ma disposition par M. Arago.