Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au fond, les doctrinaires ne faisaient point école. Leur philosophie était celle que le 18e siècle avait prêchée. En économie politique, ils n’allaient pas au-delà de ces étroites et cruelles maximes de laissez-faire, de concurrence illimitée, de crédit individuel, dont Jean-Baptiste Say avait fait habilement prévaloir la formule. Leur politique était tout entière dans ce constitutionnalisme anglais, essayé par l’assemblée constituante, appliqué dans la charte de Louis XVIII, et popularisé par Benjamin Constant. Ils n’avaient donc apporté dans la société rien de nouveau. Ils ne reconnaissaient d’autres principes que ceux qui avaient fondé en France la prépondérance de la bourgeoisie, principes qui leur étaient communs avec MM. Laffitte, Dupont (de l’Eure), Lafayette, et tous ceux dont on faisait leurs adversaires.

Il y avait bien entr’eux et ces prétendus adversaires de leurs doctrines, une différence : mais elle n’avait rien de fondamental, et les partis la grossissaient outre mesure, moins par calcul que par ignorance. Avec une égale appréhension de tout ce qui aurait été de nature à altérer les traditions de 1789, les uns, comme M. Laffitte, les croyaient assez fortes pour qu’on put sans danger s’abandonner au mouvement des esprits et des choses les autres, au contraire, avaient la prétention de glacer ce mouvement. On différait dans l’appréciation des moyens mais il n’y avait ni opposition dans le but, ni diversité dans les principes.

Il est même permis d’affirmer qu’en adoptant une politique de temporisation et de défiance, les doctrinaires répondaient beaucoup mieux à ce senti-