Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/324

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dats se glissèrent dans l’ombre des portiques : autour de la maison tout fit silence. Alors, dans l’exaltation de cette victoire étrange, les conjurés se mirent à table, joyeux et mélancoliques tour-à-tour ; et ils burent à la délivrance de leur pays, en attendant la mort. Un moment l’espoir se ranima dans leur âme. Ayant entendu au loin de vagues clameurs, ils crurent que les portes de la ville étaient forcées par les gens de la campagne, leurs complices, et ils montèrent tous au haut de la maison, pour voir venir leurs libérateurs. Ils se trompaient ces clameurs lointaines étaient poussées par quelques soldats du tyran, et célébraient d’avance son facile triomphe. Tout-à-coup une voix retentit dans la rue : « Qui vive ? crie une sentinelle. — Menotti ! répond un homme qui se laissait couler le long du mur, suspendu à une corde ; je vais parler au duc. » À ces paroles succède un coup de feu, et Menotti est ramassé sanglant sur le pavé. Pendant ce temps, une scène touchante se passait dans le palais ducal. On avait conseillé au prince de faire sauter l’asyle des conjurés ; mais le ministre Scozia, dont la famille habitait la maison menacée, s’était jeté aux pieds du prince, et il le conjurait avec larmes de ne pas envelopper dans la même vengeance les coupables et les innocents. Le duc envoya pourtant du canon contre les conjurés ; et ceux-ci, pour ne pas compromettre plus long-temps la vie des familles qui, étrangères à leurs desseins, se trouvaient associées à leurs périls, coururent se remettre aux mains des soldats. On les traîna au palais en les acca-