Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/370

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ple en armes ? On s’excite ainsi mutuellement, on s’encourage à l’énergie. Des pétitions véhémentes circulent de main en main. Des protestations sont rédigées. On donne des banquets publics, joyeux essais de révolte. Plusieurs des citoyens qu’attend la décoration, se montrent hardîment un ruban bleu à la boutonnière, comparaissent devant le jury, sont acquittés. Réunis au passage du Saumon au nombre de près de douze cents, sous la présidence de M. Gamier-Pagès, les décorés jurent de n’admettre ni l’obligation du serment ni la légende. Bientôt tout Paris est en émoi. Le chant de la Marseillaise retentit le long des boulevards que parcourent des bandes d’hommes exaltés. La place Vendôme est au pouvoir du peuple, et, pour le disperser, on n’ose employer que des pompes à incendie, le meurtre pouvant donner aux troubles l’importance d’une insurrection.

Le lendemain, jour de l’Ascension, le calme était sur la place publique, mais non dans les cœurs. L’ébranlement de la veille recevait partout des commentaires moitié plaisants, moitié sinistres. Les ridicules moyens de répression mis en œuvre par le maréchal Lobau pour dissiper la multitude, donnèrent lieu à un nombre infini de caricatures où la majesté royale elle-même fut livrée en proie à la gaîté française. La cour s’effraye ; l’idée de la légende est abandonnée ; les maires sont chargés de distribuer les médailles le pouvoir s’avouait vaincu.

De tels faits avaient une signification profonde. Il était clair que, dans cette circonstance, les me-