Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/43

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Plus malheureux le lendemain que la veille, quelle destinée est la nôtre, et que vient-on nous parler de notre victoire ? On nous appelle le peuple souverain, et nous n’avons pas même la propriété de nos bras. Nous venons de sauver la patrie, on le proclame ; et nos familles languissent autour de nous, réduites au désespoir ou à l’aumône ?

Ainsi se révélaient déjà de terribles malentendus. Toute puissante dans l’ordre social par la propriété du sol, par la jouissance des capitaux, par le crédit, la bourgeoisie n’aspirait plus qu’à l’affermissement de sa domination dans l’ordre politique. Le peuple, au contraire, trop ignorant encore pour désirer le partage du pouvoir, frémissait sous le joug d’un ordre social où tout n’était pour lui qu’oppression.

Il est certain que la révolution de juillet avait rendu plus vives les souffrances de la classe ouvrière. Le parti vaincu se composait d’hommes opulents ; sa défaite avait ébranlé toutes les professions qu’alimentent des habitudes de luxe. L’avenir, d’ailleur, était incertain, la guerre possible ; et l’enthousiasme affecté par les hommes politiques ne faisait que couvrir la défiance qui serrait le cœur des riches. De là des désastres irréparables, et, dans les hommes du peuple, un sentiment d’amertume auquel s’ajoutait le dépit des espérances trompées.

Les premières mesures prises pas le pouvoir n’étaient pas de nature à calmer cette effervescence. Le projet de loi présenté par le maréchal Gérard pour assurer l’état des officiers, consacrait un principe assurément fort juste ; toutefois cette sollicitude hâtive témoignée à l’armée pouvait paraître