Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/507

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fût donné. Car, sans cela, comme tout ce qui est exclusif, il deviendra aveugle et suicide. Il rapetissera la politique, et la faussera de la sorte. Au dedans, il repoussera des réformes qui eussent prévenu des révoltes. Au dehors, il conseillera jusqu’à cette abdication avouée du courage, qui est la plus folle des témérités.

Et c’est bien là, en effet, ce qui a caractérisé le gouvernement de la bourgeoisie.

À l’intérieur, nous avons entendu prêcher la morale des intérêts avec un succès odieux. Des scènes de bazar ont, plus d’une fois, rempli de tumulte et de scandale le palais des délibérations. Pour qu’on pût agrandir la sphère des faveurs à distribuer et donner pâture aux âmes vénales, la direction des travaux publics, enlevée à l’État, est devenue un instrument d’agiotage pour les banquiers, un moyen d’achalandage électoral pour les ministres. Le pouvoir a été mis au pillage. Et ce qui est bien autrement désastreux que des provinces envahies par l’ennemi, que des villes perdues, que des défaites essuyées, que des milliers de citoyens noyés dans leur sang, il y a eu altération du caractère national. Gouverner, c’est se dévouer. Qu’attendre d’un système qui fait précisément de l’intérêt privé la source des pouvoirs ? Si nous avions à définir le génie politique, nous le définirions un grand dévoûment armé d’une grande force et mis au service d’un grand but. La Convention ne renfermait peut-être pas plus d’hommes de talent que nos assemblées contemporaines ; mais c’était une assemblée désintéressée, dévouée : ce fut son génie. À la seule