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DU TRAVAIL.

être esclave de la misère ; mais s’il ne s’adonne point volontairement à cette indépendante pauvreté qui sied aux âmes fortes, aux existences simples, du moins il ne doit pas nourrir les idées de luxe, ni les goûts qui les inspirent. Lorsqu’un écrivain aime l’argent, on peut toujours douter qu’il ait du talent ou qu’il en conserve. S’il en a, l’avarice le dégrade, le luxe l’énerve. S’il en avait, l’écrivain ne chercherait, ce me semble, son plaisir que dans son esprit même et dans sa renommée ; que dans sa conception, dans son influence : il n’aurait pas besoin, sans doute, des jouissances d’Harpagon ou de Turcaret. Notre société n’a plus rien de ces conditions cénobitiques, rien de ces existences graves qui conservaient du moins la tradition des mœurs austères et désintéressées, des règles d’isolement et d’abstinence, des dévouements modestes et fidèles. Plus de bénédictins labourant à l’écart quelque coin du monde savant ; plus de missionnaires portant au loin leurs doctrines, jusqu’au fond de contrées sans échos pour leur nom ; plus de corporations enseignantes se cloîtrant dans la sobriété et l’obscure utilité des colléges. Tout cela certes se mêlait à trop d’abus et de vices pour que nous en regrettions le temps, mais nous regrettons l’exemple de ces nobles et graves habitudes de désintéressement, de retraite, de dévotion au bien et à l’étude. C’est un rôle vacant