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introduction

les conditions matérielles de la représentation. Les mansiones sont au moins au nombre de huit : le palais du roi, un simulacre de temple ou du moins une colonne pour la statue de Tervagant, une taverne, les quatre lieux figurant la résidence des « amiraux », une fosse servant de geôle, le tout disposé autour d’un espace libre où se passent les scènes sans localisation précise et où se livre la bataille. Sur les accessoires et les costumes, nous ne savons rien de précis.

Il serait encore plus intéressant de connaître la qualité des acteurs et les circonstances de la représentation. Celle-ci fut donnée le 5 décembre, veille de la fête du saint (v. 105), sans doute en un lieu clos, au cours d’une de ces réunions, pieuses d’intention, mais assez joviales de fait, qui, la veille des fêtes solennelles, réunissaient les fidèles dans les églises ou les monastères. Ces « veilleurs » n’étaient sans doute ni des écoliers, ni des clercs, à qui on eût offert le régal d’une pièce en latin, mais des laïques, et surtout des bourgeois, connaissant à fond leur bonne ville d’Arras. Les spectateurs et les acteurs appartenaient-ils à une confrérie placée sous l’invocation du saint ? L’hypothèse est probable, mais ce n’est qu’une hypothèse.


V. La langue. — La langue est l’artésien commun du xiiie siècle, assez fortement teinté de francien, en somme une langue mixte à base picarde.

De nombreux traits picards sont attestés par la rime :

Aufrique : rike (227-8) ; Jake : vaque (155-6) pugnie, estoutie (1353-4) ; saus (solidos) : saus (salvos) (741-2) ; dechut : lut (licuit) (67-8) ; emplut : but (749-50).

Mais les formes doubles ne sont pas rares : on a seoir (1172) à côté de seïr (1099) ; paour (491) à côté de peür (195) ; andoi (152, 633) à côté de andui (932)[1].

  1. Pour avoir une rime correcte aux v. 589-90, il faut substituer le francien ensemble au picard ensanle, la forme emble (imbolat) paraissant seule usitée, même dans le domaine picard. — Quoique