Page:Boissière - Propos d’un intoxiqué, 1909.djvu/72

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asile et n’iront point, par les nuits d’orage, tourmenter les vivants et mettre les jonques en péril.

Le soleil descend là-bas sur le Laos ; il semble emprisonner d’un frissonnant filet d’or le bleu des eaux calmes, le vert et l’ocre des hauteurs rocheuses, les toits rouges et les murs blancs de l’hôpital. Je parcours la sablonneuse étendue que bat l’Océan, coupée de tertres fleuris et de stèles de pierre qui désignent de très anciennes sépultures ; le dur calcaire s’émiette sous la patiente action du vent et de la pluie ; les averses y creusent des enfoncements pareils à ceux que les Abencérages taillaient au ciseau sur le roc des tombes pour la soif des oiseaux migrateurs. Près du cimetière récent où Français et chrétiens annamites dorment côte à côte, je découvre un tombeau en plâtre, blanchi à la chaux, décoré d’ornements au pinceau, filets rouges et bleus, vases débordant de fleurs, dragons et feuillages. Là repose la congaï d’un Français qui a quitté l’Annam depuis huit ans environ.

Le soir, je revois invinciblement cette tombe ; je pense à la pauvrette qui dort ici, je la réveille,