Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/43

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elle traverse les provinces à la recherche des Girondins proscrits, elle se dévore elle-même. » (Théâtre de la Révolution, préface, p. VI).

Mais il ne suffisait pas d’écrire des pièces ; pour qu’elles vivent, il fallait qu’elles fussent jouées. Saint-Louis était demeuré enfoui dans le silence de la revue qui lui avait accordé son hospitalité ; Aërt, au Théâtre de l’Œuvre, n’avait eu qu’un succès très bref de curiosité. En revanche, Morituri avait bénéficié des allusions, que l’on crut y deviner, au double procès qui passionnait alors l’opinion publique : le récit d’une erreur judiciaire sous la Révolution, était, dit A. -Ferdinand Hérold (Mercure de France, juillet 1898, p. 267) « un drame rapide et sobre et fort bien conduit », qui, en réalité, ne devait rien aux événements politiques du jour. L’interprétation en avait été remarquable : à côté de Dalmoye qui avait créé un beau type du commandant Verrat, il y avait Bourrion (J.-B. Quesnel), Lafargue (Teulier), Luxeuil (commandant d’Oyron), Herouin (Chapelat), d’Avançon (Buquet), Bauduit (Vidalot), Daillard (Jean Amable) et Buisson (l’aubergiste). Mais la salle était houleuse, des tempêtes de cris : « à bas..., vive..., » s’entrecroisaient à chaque réplique et donnèrent de la première de Morituri l’aspect brutal et troublé d’une réunion électorale.

Ces deux tentatives sans lendemain démontrèrent à R. Rolland l’impossibilité de jouer à Paris d’autres pièces que des pièces parisiennes : artistes cabotins, qui n’en voulaient faire qu’à leur caprice et n’admettaient aucun conseil, directeurs de théâtre, imbus de leurs idées de plaire au public et toujours retranchés derrière leur ignorance prétentieuse, critiques indifférents ou veules, ennemis de toute innovation qui trou-