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de la Nouvelle Journée ont été rédigés avant 1902, et que telles pages sont prophétiques des incidents d’Agadir, mais n’en sont pas contemporaines.

Trois volumes, l’Aube, le Matin, l’Adolescent, avaient paru sans attirer beaucoup d’articles ou de comptes rendus, lorsqu’à la fin de 1905 le jury de la Vie heureuse, sur l’initiative de Mme de Broutelles, fit demander à la librairie des Cahiers des exemplaires de Jean-Christophe et décerna le prix de cinq mille francs à R. Rolland par dix voix sur dix-sept votants (2 décembre 1905).

Le fait mérite d’être noté en passant, parce qu’aucune démarche solliciteuse n’avait été faite, aucun article n'avait été écrit en sa faveur ; Péguy, lui-même, raconta[1] cette histoire avec étonnement et admiration. « Cette spontanéité de celui qui a la charge et la responsabilité de choisir et d’attribuer m’enchante. Cette histoire invraisemblable m’enchante comme une histoire du temps passé. »

Du jour au lendemain R. Rolland et Jean-Christophe furent connus du public. Mais tandis qu’à Paris les figurants de la littérature industrielle, marchands de vers ou vendeurs de romans accaparaient la foire sur la place et disposaient à l’étal de la rue leurs soldes défraîchis et leurs denrées infâmes, à l’étranger, en Allemagne, en Suisse, en Italie, en Angleterre, des articles dénonçaient à la France la valeur de Jean-Christophe et créaient sa renommée. Dans la grande Presse, il n’y eut que Gaston Deschamps qui consacra deux longues colonnes d’une Vie Littéraire du Temps,[2] à l’œuvre de

  1. Cahiers de la Quinzaine, 8e Cahier de la viie série, 31 décembre 1905, après les vers d’André Spire, intitulés Et vous riez, pp. 98, 99 et 104, 107.
  2. Cf. Bibliographie n° 160.