Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/68

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l’ancien normalien, dont il avait été, aux heures « d’études », le « maître surveillant peu tyrannique. »

Est-il un portrait d’enfant tendre et fier, plus vivant — j’allais dire plus humain — que celui de Jean-Christophe Kraft, dans l’Aube, en même temps qu’une psychologie enfantine plus délicieuse en son exactitude, plus fine en sa vérité triste que les deux épisodes d’amitié d’Otto et de Minna dans le Matin ? — Minna, c’est l’humble et premier amour, joli comme un conte et grave en sa douloureuse désillusion, que nous avons tous eu, à l’âge naïf de l’éveil, pour une petite fille rieuse aux yeux d’or étonnés.

Est-il récit plus simple à la fois et plus tragique, plus délicat et plus mystérieux que l’épisode de Sabine dans l’Adolescent ? Sabine mourant au jour où elle va aimer Christophe, tandis que celui-ci joue la comédie d’amour à une fille, Ada, et qu’il se moque de la passion innocente et vraie d’une fillette, la petite Rosa. Le grand poète anglais, Mary Robinson,[1] qui a voué à cet épisode une admiration profonde, le juge ainsi : « Goethe aurait pu tenir la plume qui a écrit ces pages si naturelles dans leur puissance ou leur grâce, ces pages qui, relues pour la troisième ou la quatrième fois, semblent plus émouvantes encore. »

D’autres lui préfèrent le gracieux et noble épisode à Antoinette, et se plaisent à célébrer les mérites de cette « petite provinciale de France, raisonnable et sensible » qui se dévoue pour son frère Olivier. L’histoire d’Antoinette, a dit André Beaunier,[2] c’est « l’héroïsme de tous les instants, d’héroïsme qu’on ne voit pas, qui se prodigue dans le secret de la

  1. Cf. Bibliographie, n° 194.
  2. Cf. Bibliographie, n° 152 (p. 693).